Ce soir il est las, las d’être
là, là de sembler être une automate dans un monde qui s’est déshumanisé. Ce
soir peut-être plus que les autres soirs, c’est le vide qui aspire et qui
ronge, c’est le silence qui assourdit, c’est la réalité qui prend sa place.
Elle n’est plus là, à jamais. Ce soir, la fatigue gagne, ça fait un moment déjà
qu’elle donne des coups, qu’elle prend des points, round après round, pourtant
lui, reste debout sous les coups, sur le ring de la vie, hagard mais debout,
croyant vaincre alors que chaque coup reçu ronge et détruit, un peu plus à
chaque fois, à chaque jour. La salle est vide, les spectateurs sont partis et
ce silence qui répond au silence est pire que le froid qui l’envahit, sans
effroi pourtant, peut-être bien parce qu’il en a assez de tout cela, peut-être
bien parce qu’au ras le bol des quotidiens celui-ci est encore plus fort que le
cumul. A quoi ça sert tout ça, pourquoi rester debout, pourquoi n’être à jamais
qu’un clown ou un nounours qu’on s’en vient étreindre lorsque dans sa vie il
fait froid sans imaginer un instant, que sous l’écorce de peluche vit un homme ?
Lentement il avance, des gestes méthodiques, des gentes sans calcul, presque
sans vie, un automate sans lumière, qui peu à peu se débranche des grands
réseaux de vies. Ce monde est devenu si bizarre, chacun court à sa perte,
cherche à briller dans d’autres univers, oublie les liens, les soutiens, les
aides, les mots, les pas, les chemins. Ce soir, il est las et là, il est las d’être
ici.
Qu’importent les succès,
les échecs, les rires et les pleurs, qu’importent les croyances, les errances,
les besoins et les soins, ce qui compte à l’instant présent, c’est le présent
de l’instant, le vide, le froid, l’absence, le manque, l’humain dans la vie des
humains. Le ciel se pare de son habit de nuit, les oiseaux chantent leurs
mélodies du crépuscule et le soir descend, avec sa fraicheur, avec sa nuit,
avec son vide. Encore combien de soir, encore combien d’on ne sait pas quoi,
encore quoi… Des envies d’arrêter, des envies de descendre ici, des envies de
tout fermer, ça, c’est le plus facile, mais au fond, comment lui en vouloir ?
Lorsque le tempo d’une vie s’arrête de compter les minutes, lorsque les jours
qui passent sonnent plus anonymes encore que leurs veilles, lorsque l’oublie se
fait sans qu’on l’ait voulu, comment croire en demain ? Pour quoi ?
Pour qui ? Vide et vidé, ce soir il est las et pourtant encore là. Quel
étrange cercle que cette ronde sans danseurs, quelles étranges cordes que
celles qui enserrent le ring de la vie, des cordes à se pendre, des cordes de
piano, des cordes de guitares, des cordes à linge, des cordes à grimper aux
nuages d’un monde si parfait, c’est selon les saisons du cœur et ce soir, ce n’est
peut-être pas les rêves qui l’emportent à son suffrage. Ce soir, il est las.
Tant de choses arrivent,
tant de choses s’en vont, parfois le pied prend appui sur le sol solide,
parfois, le sol se dérobe sous les pas et le vide appelle, et le vide aspire et
la chute est longue, pénible surtout lorsqu’on peine à se relever ; Ce
soir, il est las. Tombé pour quoi, pour qui, pour voir, pour apprendre, pour
disparaitre, à jamais, l’enveloppe de chair n’est plus que lourd fardeau, le
poids de la fatigue est bien plus grand qu’on ne croit, et le repos n’est pas
toujours de tout repos lorsque les songes s’en vont aux pays sombres là-bas. Ce
soir il est las, et là, quelques mots encore avant de clore la page, avant de
terminer une ligne qui ne pêchera pas grand-chose, les âmes sont des crochets
pour des prières aux anges. Ce soir il est las, et fatigué il raccroche, les
tenues de clown, les tenues de nounours, les tenues d’oreilles, les tenues de
conseil, les tenues de soutiens, les tenues de réconfort, ce soir, basta, à
poil, parce que le plus important dans la vie, c’est d’aimer les gens pour ce
qu’ils sont et non pour ce qu’ils vous apporte, qu’ils soient là ou pas là, là,
ou plus là….
Portez-vous bien.
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