Plaisirs d'hiver

Enfin le retour aux joies hivernales, et avec la pratique des raquettes qui plus est dans de belles conditions, quasi le rêve, un cocktail au savant mélange : un bel endroit, une belle neige, un bel azur. Ajoutons-y un groupe sympa, des franches rigolades et un abandon sans limite au plaisir de vivre et de vivre un bon moment. Qu’il est doux de prendre ainsi du bon temps dans la joie de l’effort, les bienfaits du sport loin des grincheux, au cœur de somptueux paysages, qu’il est bon de cueillir ses énergies à la source même de la vie. Il est encore dans nos belles vallées pyrénéennes de jolis petits villages, de gros bourg, des hameaux, des petites villes qui fleurent bon le vrai, le vécu, le respect, l’amitié, la communauté, tout en gardant fièrement et non pas jalousement, leur cachet, qui affiche la pierre de ses habitats, qui dresse ses toits plus hauts, plus pointus, qui les limites de pignons à pas d’oiseaux, qui se pare d’une grande en équerre pour se protéger des vents dominants, chacun, chacune a son histoire, son caractère, ses traits bien édictés et bien affichés. C’est par là que commence les bonheurs d’une randonnée, qu’elle soit pédestre ou en raquettes, apprendre à lire l’histoire du paysage au fur et à mesure de son élévation nécessite certes d’ouvrir les yeux, mais plus encore, d’ouvrir le cœur. Voir, comprendre, chercher à comprendre, apprendre, écouter, regarder, savourer. Quelle que soit la saison, l’habitat, sa disposition le long des courbes de terrains, serré autour du clocher, sa construction en adret, c'est-à-dire sur le versant ensoleillé, celui qu’ici nous nommons « la soulane » par opposition à l’ubac nommé ici « l’ombrée ». Sans chauvinisme aucun (quoique) avouez qu’il est plus clair et plus logique de parler de « soulane » et « d’ombrée » plutôt que de parler « d’ubac » et « d’adret » termes peu bucoliques et faiblement représentatifs du moins l’occitan que je suis. Au-delà des mots, c’est le dessin de ces hameaux qui ponctuent la course de nos yeux, et quelque part, peut servir à guider notre orientation, les anciens avaient ce sens pratique, ce bon sens même pourrait-on dire, qui sans ordinateur savait placer l’habitat là où le chauffage serait tout naturellement effectué par le soleil, dans une disposition permettant de moins subir les affres des vents froids, tout en tournant les grosses pierres pour qu’elles se dorent bien au soleil et restituent la douce chaleur dans l’humble demeure. Nature et naturelle, la vie d’alors se résument au nécessaire dans une communauté d’idée, un partage de moyen, un communauté de vie, et ce sont ces forces-là qui ont forgé à la fois les caractères des hommes mais aussi ceux des lieux. Et justement, c’est ce caractère qu’il me plait à trouver, à parcourir, à découvrir à chacune de mes escapades, puis à le faire partager. Ce n’est donc pas l’exploit sportif qui prime, cela n’a jamais été le cas, mais bel et bien d’être humain et de mesurer la force, la magie, les bonheurs et les joies simples de notre belle planète.

Aujourd’hui, c’est tout blanc, et malgré ce nappage peuplé de milliers d’étoiles qui viennent scintiller sous le soleil jusqu’à nous en éblouir, let même si les toits sont blanc, si les cheminées s’époumonent en volutes bleutées, même si peu d’habitants s’affairent sur leur pas de porte, ce sont les mêmes repères, les mêmes accroches de lumière sur la page blanche de ces paysages d’hiver. Qu’il est agréable de gravir la pente, de quitter la civilisation de la petite station familiale ou glissent les adeptes du ski de fond, qu’il est magique de traverser la forêt de sapin en se rêvant explorateur du grand nord canadien, qu’il est bon de rire et de plaisanter dans la marche, parce que parler veut dire que le souffle est à bon régime et donc l’effort à bon dosage, parce que rire est le propre de l’homme et qu’il est bon d’être vivant de même qu’il est bon d’être entouré de partager, de discuter, d’échanger, d’écouter et d’apprendre, de dire et d’informer, parce que chacun de nous n’est qu’un maillon d’une grande chaine d’information, et parce que même si aujourd’hui nos outils de communications sont savant, rapides et puissant, ils en restent quand même impersonnel, froids et distants. Dans toute l’humanité, la longue tradition orale a été la grande courroie de transmission des savoirs, aujourd’hui comme hier, n’oublions pas cela. Parler dans notre monde réel, c’est aussi se donner les moyens de guetter le signe d’une incompréhension, une tension dans le regard, un étonnement, et donc de modifier les phrases, d’adapter le vocabulaire, de répéter différemment la même idée. Emetteur et receveur, et non plus émetteur simple. Voir ce qui n’est pas vu, savoir qu’entre deux personnes la référence commune n’est pas entière, que ce mot-ci prend le sens de ce mot-là lorsqu’il est reçu par notre interlocuteur. S’abreuver de réalité, c’est s’enrichir de nos différences, c’est s’offrir la jouissance d’apprendre, c’est se donner les moyens de trouver le terrain d’entente qui permettra le débat d’idée. Et oui, ça va loin la raquette, tout en gravissant les pentes, nous escaladons notre bien-être, pour peu qu’on ait envie de grandir, d’offrir et d’être. Et quand tout cela se rythme au défilé des paysages, quand la course lente du soleil s’en vient modifier sa lumière comme pour mieux nous enchanter, c’est tout de suite une très belle journée qui se dessine, quand bien même on ne sait pas dessiner. Alors, il y a ce boitier de métal, ce petit clic qui vient stocker sur la carte mémoire ces trésors de nature, ces personnages d’un jour, et en complément, la mémoire y associe les rires, les intonations de voix, les phrases sonores et comiques sans oublier les situations cocasses que parfois la chute provoque. Remarquez, une chute pour une histoire, c’est tout de même naturel, non ? Et d’ailleurs, en parlant de chute, nous voilà déjà presque à la fin. Presque ? Oui, la fin est proche, le bord de la page s’approche tel un précipice vers lequel glissent les idées, il est temps de stopper la course sous peine de voir les idées disparaitre, et puis zut ! C’est la fin.

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