Un coup de gris août

Un jour d'été sans été, de ces jours un peu plus gris, un peu plus frais, un peu venté de cet air malin qui vous ôte les envies de baignades et fait sortir ce jour d'un jour normal d'août, ainsi va le calendrier. Un jour maussade où défilent les attelages, véhicules clinquants aux longues caravanes, galeries chargées de vélo et autres coffres de toit, la longue transhumance de la pause estivale s'opère dans un ballet rythmé par les factures, les cautions, les restitutions de cartes magnétiques et autres bracelets piscine. Une vague passe, la terre océane se vide et le ciel semble peiné de ces adieux. Mais nous sommes sur une terre de contraste, au coeur d'une nature joueuse et ensorceleuse, les charmes de l'océan s'exercent sur une palette de couleurs, d'odeurs, de températures, comme pour combler les sens de qui sait s'y abandonner, s'y ouvrir, cesser de voir le négatif, oublier de voir ce qui n'y est pas pour mesurer ce qui y est.


Mauvaise habitude de l'homme de regarder en premier ce fameux verre à moitié vide et oublier qu'avant tout il est plein, dans une quantité non moindre mais simplement mesurée, parce que nous sommes trop ignares, trop ignorants, trop blasés et tout simplement trop en attente d'un maximum, d'un verre qui déborde, parce que nous sommes comme d'insatiables collectionneurs en quête perpétuelle de ce qu'ils n'ont pas, en oubliant tout ce qu'ils ont déjà. Accumulation inutile, véritable encrassement de nos vies, étouffement programmé, mais au lieu de rechercher la bulle d'air, de quitter ce système dépressionnaire, on s'y enferme en cherchant la pièce unique à s'offrir, en poursuivant les achats quasi compulsifs, en oubliant ce qu'on a pour tenter de cueillir ce qu'on n'a pas...encore.... Mais dans ce cercle vicieux, acheter ne comble pas un manque mais au contraire en créer un nouveau, un vide sans cesse repousser devant soi, jamais regardé en face, jamais analysé, jamais mis à plat pour le combler de façon radicale. Se poser, respirer, regarder, comprendre et s’émerveiller de tous ces trésors offerts, gratuits, et surtout incontrôlables parce que résultant d'autres actions que nos propres actions. Réaliser cela, c'est renoncer à bien des combats inutiles, s'alléger l'existence de cette pression que l'on se met pour rien. Le temps est gris, et alors? Peut-on le changer? Non, bien évidement, mais on peut en jouer, en profiter pour sortir d'un cycle bronzage-baignade-farniente et choisir la balade, le vélo, les rollers, la marche, visiter sans étouffer ces arrières-pays qui ne demandent qu'à être découverts. La musique des voisins est trop forte? N'est ce pas plutôt parce que ce n'est pas le genre de ce qu'on écoute d'habitude? N'est-ce pas une bonne occasion d'écouter, d'apprécier, même à des degrés divers, d'apprendre aussi, de découvrir surtout, tout est source d'enrichissement, bien mieux que de refuser en bloc, de s'enfermer dans l'agressivité et dans sa tour d'ivoire aux livres et cd bien rangés. Nous sommes tous différents et c'est cette différence qui nous enrichit, nous complète, nous élève, bien plus que les carcans familiaux, raciaux, ethniques ou encore les différents modes de pensées plus ou moins liés aux cultures, aux religions, aux histoires, tous ces chapitres qui composent l'histoire de nos origines. Acceptons de sortir de notre cadre, d'écouter, de voir, sans un à priori, sans une réticence, parce que nous ne sommes pas supérieur, parce que nous n'avons pas la règle, mais nos règles. La peur de l'inconnu? La peur de quitter sa zone de confort? La mise en danger? Ne plus trouver la salière à la même place, oublier les automatismes conditionnés qui conditionnent nos vies, les étouffent, les encrassent et constituent de terribles œillères qui nous empêchent de voir la vie, entière, complète, pleine de facettes, cette même vie dont nous ne scrutons que la même facette, le même horizon.


Et si justement, cette pause annuelle était l'occasion d'accepter de sortir de son cocon, de se mettre en danger en ouvrant ses sens à ce monde? Il es plus facile de se croire extraterrestre, de se croire hors du coup, hors du monde, différent de tous ces gens insupportables, sans se dire que si nous ne supportons pas les autres, c'est peut-être bien parce que nous ne sommes pas capable de les supporter, non par absence de cette capacité mais juste par inhibition, volontaire, programmée, armure invisible dans laquelle on s'est enfermé mais surtout, enceinte étanche dont nous sommes les seuls à avoir la clé et là est la clé. Non, nous ne sommes pas martiens, ou autres vénusiennes ou bien encore plutoniens. Non, nous sommes terriens, humains et surtout imbéciles. Imbéciles, parce que se fermer au monde est la pire des choses à vivre, imbéciles parce que se croire à part alors qu'on se met à part c'est refuser de progresser, d'apprendre et de comprendre. Imbéciles parce que sans cette ouverture au monde, sans mesurer les bonheurs de chaque instant, les bienfaits de la nuit comme ceux du jour, on s'anéantit de stress grand générateur de maladies et grand créateur de nos terribles maux actuels. L'augmentation des cas de cancers et autres leucémies est à comparer à la progression du stress dans notre société, nous sommes sur un arbre perché, assis sur la branche que nous scions. Réagissons, il est temps de remettre en cause nos concepts de vies, nos fausses envies, nos courses effrénées et d'apprendre ce qui est vraiment, les choses qu'on maitrisent et celles qu'on ne maitrisent pas, en comprenant bien que de ne pas maitriser ne veut pas dire subir mais plutôt s'offrir une possibilité de grandir, d'apprendre, de se remettre en cause et d'avancer. Toujours. Activité dangereuse certes, puisqu'elle nous fait quitter le nid douillet pour, comme l'oisillon poussé du nid par ses parents, apprendre à voler par ses propres ailes, goûter au plaisir d'être, de se tester et de repousser ses limites, parce que rien n'est jamais écrit, ni gravé, parce que chaque chose à une raison d'être, la fourmi comme l'éléphant, le soleil comme la pluie, la vie comme l'envie. Alors, volons et déployons nos ailes, repoussons nos limites, nous le valons bien....


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel très juste texte...
Se détacher du superflu pour ne retenir que l'essentiel.
Peu de gens y arrivent.

Belles vacances à toi

Natacha.

Didier a dit…

Merci!
Il ne coûte rien d'essayer, juste un premier pas, un retour a un essentiel devenu essentiel....

Anonyme a dit…

Très bien dit l'ami!

Et je rajouterai quelques vers que m'inspire ce texte pour finir :

"Avant de s'enfermer dans nos murs de silence
Regardons autour de nous humblement
Ré-apprenons la patience
Nous ne sommes pas des géants qui peuvent se moquer du temps".

Merci
Natacha.