Samedi

Les samedis ont ceci de troublant : ils rythment les semaines de location, les arrivées nouvelles, les départs qui ne sont que retour vers la vie première, ils colorent le ruban intemporel des vacances par la pointe de nostalgie qui y convient. Ces visages, ces silhouettes amies, familières s'en vont, d'autres arrivent, défilé quasi permanent de valises en quête d'ailleurs, quand bien même l'ailleurs est ici. Côté paradoxal, certains viennent chercher ici un ailleurs pour s'évader, d'autres partent d'ici, la tête ailleurs, vers l'autre ici, celui de leurs vies. Dimension particulière qui renforce le côté hors du temps, hors du monde, détachement agréable et réconfortant, bonheur des vacances et de cette vie loin des plannings tendus, des courses folles, du manque de temps. Drôle de journée, pleine de chaleur dès le matin, limite étouffante, ce qui reste rare ici. Rythme normal d'un jour ordinaire ou presque, au fond, ils ne sont jamais ordinaires tous ces jours tant chacun apporte son lot de surprises, de joies, de bonheurs, d'éclats de lumières pour nos neurones trop privés de lumières. Levé, petit-déjeuner et puis, samedi oblige, marché. L'occasion de voir ces étals colorés, ces bonimenteurs en quête de vendre leurs camelots sous débords de démonstrations bien rodées et époustouflantes, l'art des mots bien choisis, l'art de la prise à témoin pour bien démontrer et l'efficacité du produit et la grandissime remise consenti. Chacun est unique et chacun aime à être considéré comme unique. Chaleur étouffante, asphalte brulante, repas pris à l'ombre des chênes, avant que la colère céleste se manifeste par ses coups de vents, forts, violents, impressionnants de vigueur, secouant les branches des chênes et en détachant les glands, mitraillant les toits de tôles de nos demeures estivales.


Qu'il est bon de se sentir petit face à la majesté nature, force indomptable, échappant encore aux désirs de nos politiques, tout comme il est doux de profiter de ce vent de fraicheur insufflé dans cette journée trop chaude. Lumière changeante, les passages nuageux se succèdent, se déchirent et éclairent l'azur de blanc et de gris, étouffent la clarté et estompent les ombres, plusieurs chromatiques en ordres non chronologique, c'est cela la nature, sauvage, belle et rebelle. On apprend toujours lorsqu'on observe, on mesure combien nous ne sommes pas supérieur en quoique ce soit, ni même inférieur, juste élément parmi les éléments, matière née de la matière, nous avons besoin de nos liaisons avec toutes ces sources d'énergies, la terre, l'air, le feu, l'eau, le ciel, le cosmos, les pensées, tout est notre vitalité. Que nous oublions de nous connecter à l'une ou l'autre de ces sources et c'est nous qui sommes déséquilibrés, en manque d'énergies, en baisse de forme. Se relier à nos antennes est un besoin plus vital que nous ne le pensons. Chacun possède son coin, son lieu de régénérescence, parfois même plusieurs, sortes de prises où l'on branche le grand chargeur de notre batterie interne. Hélas, dans nos sociétés technologiques modernes, on pense plus à recharger son portable, tous nos gadgets électroniques, que de se brancher soi sur nos socles de vie.


Oui, l'énergie circule, invisible, inodore, incolore ou presque, insensible ou presque, pourtant les effets de ses hauts comme de ses bas est perceptible même si la pharmacopée moderne reste notre première source de masquage de nos besoins naturels. Il est si facile de prendre une pilule contre ceci ou contre cela, pour ceci pour bien pour cela, parce que nous sommes des produits de la société de consommation, des consommateurs prêts à avaler n'importe quoi pour être mieux, en oubliant de s'écouter eux-mêmes, d'écouter leurs corps, en oubliant de se poser, d'être et de maintenir la charge de leurs batteries. Pourquoi? Éducation, déni du passé, culture de la supériorité, course à la gagne, autant de raisons qui font de nous des êtres supérieurs, chimistes plutôt que natures, privés de temps et devant aller à l'essentiel, croyant que le naturel est plus long, moins efficace, préférant le dieu stress à d'autres valeurs. Analyse, écoute, pause, respiration, compréhension, abandon de soi, méthodologie apeurante pour cerveaux trop stressés mais pourtant, méthodologie qui mérite qu'on s'y attarde. Pourquoi attendre que la médecine échoue pour se tourner vers des moyens plus naturels? Rien n'est incompatible, rien n'est plus douloureux que l'absence de choix, la peur de se donner les moyens de réussir. On peut rester stupéfait devant les images télévisées, les sorciers, les chamans, les guérisseurs, qu'importe le vocable, ils sont tous des hommes, comme nous, des êtres, comme nous, rien n'est magique, tout est naturel, équilibre, rééquilibre des énergies, écoute des souffrances par les sens que nous avons tous, guérison ou soulagement par l'essence même d'un savoir ancestral dans des sociétés pas assez folles pour se priver de ces outils d'humanité. La voilà notre supériorité : regarder enthousiastes ces reportages, et rire d'incrédulité, jusqu'au jour où....


A croire que du besoin nait la connaissance, perdu dans nos trop grands savoirs, on oublie d'apprendre encore et encore, on oublie de se remettre en cause et en question, de remettre en cause les diktats de nos couches primaires d'éducations, morales religieuses ou croyances imbéciles qui détruisent le discernement par simple gommage des réalités. A trop boucher l'horizon par une clôture opaque, on en oublie que le monde ne s'arrête pas aux limites de notre terrain, tout comme la connaissance ne s'arrête pas aux limites de notre savoir, quelle que soit sa taille.


De chaque jour qui descend, j'apprends et je reste conscient que le jour suivant m'apprendra encore bien davantage...

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