Testimoni

L’année bascule en pente douce vers son déclin, les jours déjà prennent chemin vers leurs quartiers d’hiver, lente agonie d’un monde qui tousse et décline sans fin. Les dernières respirations, les derniers soupirs, les dernières langueurs, le crépuscule d’une vie, l’aube d’une mort, juste séparés par le trait d’une faux. L’heure de prendre la plume, l’encre noire et sombre comme les jours sans lumière qui se profilent à l’horizon, l’heure de prendre le papier plus épais, déjà sépia parce que fané, parce passé, parce que presque trépassé. L’heure d’y écrire en lettre capitale ce qu’on nomme testimoni dans la douce langue chantante née des berceaux latins. L’heure grave des braves, non pas un bilan, l’heure n’est plus à équilibrer la balance, il y a eu trop de dépenses dans cette vie pour si peu d’entrées, si peu de retour, si peu de crédit, comme quoi on peut vivre à découvert, bien plus facilement qu’on ne croit. Equilibre, oui, maitre mot de la vie, équilibré, stabilisé, un seul pole n’en déplaise à l’épidémie de bipolaires qui peuplent que de trop ce monde devenu déséquilibré. Celui ou celle qui n’a vécu de près ce fléau ne peut comprendre ce qu’il en est. Le vivre de l’intérieur est autre, loin d’être de tout repos, avec des crises à gérer, des paliers à franchir, des traitements à ajuster. Le vivre contre est sans définition, briseur de rêve, de vie, d’envies. La polarité est unique, stable et définie. Il ne faut pas tout mélanger non plus.

De ce monde qui vacille, je retiendrai aussi ces fausses amitiés, ces liens à sens unique qui ne sont que prélèvements sans être de temps en temps perfusion, juste quand l’air est plus frais, le ciel plus sombre, le besoin peut-être plus présent. Je n’oublierai pas non plus tous ces culs entre deux chaises, hésitant entre confort d’une relation et envie d’ailleurs. Oui, la liberté a un prix, oui elle se paye cash et cher, oui, elle se mérite, et non, on ne vit pas dans le profit. Profit d’une vie tranquille aux traites payées parce que l’autre est là, l’autre-là qu’on critique mais qui paye, qui gate et qui règle les dépenses pendant qu’on s’en va cueillir l’herbe plus verte d’un pré voisin, profit d’un ami qui sait faire rire, distraire, amuse, répondre, amener la lumière dans une vie au fond du puits. La liste des profits seraient longue, inutile, sordide, mais je vous assure qu’elle pèse, qu’elle ronge et détruit, travail de sape qui comme les vagues rongeant la falaise, vous fauche l’herbe sous les pieds et vous tranche, par inadvertance jusqu’à la mortelle hémorragie, celle qui pour éviter la gangrène impose l’imputation, imputation des chairs nécrosées, imputation des chers nez creusés, adieu cohorte de bons amis, adieu couples bancales, adieu confidences gratuites, je vous laisse à trépas.

De ce monde qui vacille, je retiendrai la leçon des choix, ceux qu’on fait et ceux qu’on ne fait pas, ceux qui pèsent, ceux qui coûtent, ceux qu’on regrette, ceux-là, oui, tout ceux-là et bien d’autres. La vie n’est faite que de choix, chaque pas, chaque gravier, chaque grain de sable, ceux qu’on évite, ceux qui nous font palpiter, ceux qui sont fait par dépit. Le choix. Bon ou mauvais, ils le sont tous. Prendre par ici ou par là, partir ou rester, être ou ne plus être que de questions, que d’hésitations, que de réflexions, avant, après, pendant. C’est parfois long une vie de choix, mais arrivé au crépuscule, en regardant le soleil se coucher, on se dit qu’au final de cette vie-là, on n’a rien fait.

De ce monde qui vacille, je retiendrai les messages non eus, les vérités non émises, parce que parler franchement demande de la franchise et du caractère pour le faire. Très peu, trop peu l’ont. Une fois dans ma vie, une seule fois j’ai été démasqué. Un seul regard a su plongé au fond de moi et me dire que j’étais un clown, un clown dans tout le sens de ce mot, un amuseur qui fait rire pour au fond se servir de se bouclier-là comme une armure qui renvoie les regards ailleurs, vers d’autres. Hier un reportage sur Benoit Poolvoerde m’a rappelé cela. Cruelle vérité d’une enfance esseulée où la façon de se protéger et d’être protéger pas les grands, forts et belliqueux, était de les faire rire avec comme credo « si je les fais rire, ils me gardent »….. Evidence trop évidente, d’un seul coup le passé vous flanque ses nausées à la tronche et revoilà effectivement le loupé. Faire rire pour être « considéré » mais comme souvent, les amuseurs sont plutôt tristes et isolés. A jouer sur un masque, fut-il souriant, on n’est pas aimé pour celui qu’on est, mais pour le masque qu’on porte ce qui comporte un grand inconvénient. Rappel à la réalité. Oui, faire rire, savoir écouter, savoir parler, discuter, conseiller, apprendre aussi, le ski, le roller, le vélo, et bien d’autres choses à bien des personnages, à bien des âges, tout cela n’est que don de soi et être oublié des autres.

On fait tous des erreurs, la clé est d’en prendre conscience et d’avancer.

Sans regrets. Rien n’est jamais éternel.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les erreurs du passé sont comme des chaînes lourdes, épaisses.
Tu essais d'avancer avec, mais elles te freinent. Faire un pas en avant est une victoire de coupe de monde. Et puis, au fur et à mesure, certaines se détachent. Alors le pas devient plus sur, plus léger surtout. Pas forcément
plus rapide non. Là, n'est pas l'important, bien au contraire. Bien sur, d'autres avant toi auront déjà parcouru 100 bornes que toi, t'aura pas avancer d'un mètre mais, peu importe. Le résultat, c'est à l'arrivée qu'on le voit.
En avançant plus lentement, on a pu voir tout ses petits détails du "bas côté" et qui ne sont, ni plus ni moins, que la vie, la vraie.
Ceux dont tout le monde se fou, trop insignifiants à leurs yeux.

Se détacher du peloton pour mieux suivre la course, pour mieux analyser la trajectoire, pour éviter de se planter contre un arbre, de sortir de la route et de se retrouver dans un cul de sac ou pire encore.

"Rien ne sert de courrir, il faut partir à point".


Natacha.