Dernier jour

Dernier jour, on solde. Balayer les impairs, place à la parité, la double parité, changement attendu pour l’instant magique ou même la pendule se remet à zéro, parfois même certaines, par pures facéties sans doutes, affiche un cinglant douze sur douze, superposition ostentatoire du temps, heures, minutes, secondes, bien alignées, droites comme des « i » au tableau noir de la classe du temps où ce fameux tableau noir était bel et bien noir, ni vert ni blanc, de cette époque où la poussière de craie volait vers des bronches qui ne connaissaient pas encore les allergies, odeur d’éponge humide et honneur d’effacer le tableau au moment des récréations, ces bol d’air qui enveloppaient les strates d’études et de découvertes. Les « i » de mon cahier étaient eux bien plus sauvages, pas du tout alignés, d’un trait mal assuré et bien peu régulier. Maladresse de l’apprentissage, ou plutôt, instinct de créativité, bien loin d’un alignement froid et rigide façon « garde à vous » et rigueur militaire. Non pas antimilitaire, ni antimilitariste, ne pas aimer n’est pas forcément être contre, il faut de tout pour faire un monde, j’ai compris bien plus tard ce que cette étape de la vie des hommes pouvait apporter, j’ai compris très vite, que je pouvais m’en passer, juste avant qu’ils comprennent qu’ils pouvaient très bien se passer de moi. Une sorte de gentlemen agreement en somme…. Mais bon, revenons à nos horloges, histoire de remettre les pendules à l’heure. Point de passage à l’heure d’été ou plutôt d’hiver, vu le froid quasi polaire livré ces derniers temps, mais à bien y regarder, il est un peu de cela tout de même. Un basculement dans un autre espace temps, une bascule vers le beau temps, un changement de cap qui clôture des années passées à attendre des choses qui ne sont jamais venues, à en vivre d’autres sur tout l’éventail des émotions que la palette humaine peut comporter, à croire en des bonheurs qui ne furent que chimères. Dérisions et rires désormais, ce n’est pas du temps perdu, non, loin s’en faut, ce fut du temps passé à construire ce qui n’est visible qu’au temps présent. Le passé creuse les fondations d’aujourd’hui, tout comme aujourd’hui pose la première pierre de demain. L’impair se termine, il va disparaitre, tout comme on enlève et on range l’imper une fois l’orage traversé, place aux belles tenues, voici que vient le soleil.

Soleil. Brillant, fort et généreux, il irradie déjà de ses premiers rayons le corps encore froid de tant d’hivers, il insuffle la force, la joie, il provoque la contraction de ces si jolis muscles de la langue française, les zygomatiques. Sourire, oui, sourire à la vie, la voir enfin telle qu’elle est, belle, radieuse, surprenante, rayonnante, offrant l’occasion de s’y perfectionner, libre à chacun d’y faire son chemin, à son rythme, au gré de ses envies. « Chacun sa route, chacun son chemin, passe le message à ton voisin » disait la chanson. Tellement vrai. On n’existe pas par les autres, ni à travers eux, on existe par soi et pour soi, loin d’être égoïste, la démarche est même plutôt altruiste car elle offre aux autres, une vraie personne, entière, en paix avec soi-même, se connaissant et s’aimant, usant de l’être et non du paraitre, et non une image aux reflets changeants, prête à plaire, à coller aux attentes de l’autre, prête à se fondre dans la vie de l’autre en oubliant sa propre personnalité. Bilan d’une première partie de vie, au moment de la bascule vers deux chiffres alignés, je dirais même deux fois le chiffre fétiche, rajoutant encore plus à la symbolique du changement positif, avec aussi ce côté très carré du chiffre 4, un côté clair qui peut paraitre froid peut-être, mais nous revoilà dans du paraitre et non de l’être, peut-être…. Jugement, le vieil ennemi. Juger avant de connaitre, se nourrir de préjugés, jeu cruel de bien des mondes, raccourci qui évite de connaitre ce qui est vraiment. Je me fous de ce que je parais, je ne suis que ce que je suis, et même, je préfère le réserver à une seule étoile plutôt que vouloir briller au firmament à y perdre mon âme. Quelques heures encore pour fêter ce cap, enfin atteint, cette délivrance dans l’ivresse dune soif de vie, d’envies, qui ne doit pas être mal comprise, ce n’est pas un abandon à la débauche, ça serait même plutôt une embauche, du pur cdi qui viendra le moment venu, pas de l’intérim ou des cdd à renouvellements multiples et variés. Honnis soit qui mal y pense, homme je suis, homme je reste, homme par le côté humain de l’homme, pas simplement par le côté chromosomique qui détermine d’un coup de « y » la mâle attitude. Je ne renie pas cela non plus, juste le subtil équilibre entre les deux faces trop souvent isolées, l’envie d’abandon mais sans la vision trop souvent associée de la multiplicité. Soleil, il fait beau, déjà et demain sera encore plus éclatant.

Eclatant, s’éclater, vivre et profiter de la vie. Comprendre que rien n’est jamais acquis, mais aussi qu’on ne change pas les autres, on change soi. Lâcher prise, oublier, libérer et se libérer pour vivre et surtout, mieux vivre. Détachement absolu, mode zen actif, comprendre aussi que les émotions nous sont propres, que nos ressentis ne sont qu’écho à notre personnalité. Une joie, une colère n’est que personnelle, elles ne sont pas dues à la personnalité de l’autre, mais à la façon dont on les reçoit et on les analyse, dans notre propre cadre, nos propres références. Intégrer cela, c’est se donner l’envie de changer cela, et surtout, de ne pas renvoyer sa propre agression vers l’autre. Il en faut du temps pour grandir, c’est clair, chacun son rythme, chacun sa vie, chacun son chemin….. Passe le message à ton voisin, tes amis, tes connaissances plutôt encore que ce mot-là est aussi galvaudé que le mot « ami ». Que connait-on vraiment de l’autre ? A-t-on pris la peine de vouloir le connaitre ? Dans les mots « amie », « aime », ce sont les mêmes lettres, c’est le même sens, pour un même combat, celui de la vie.

Aucun commentaire: