Retour sur le blog

Retour sur le blog, comme ça par plaisir, par envie aussi d’expliquer comment tout ceci fonctionne, après avoir expliqué comment tout ceci est né. D’abord le décor, souvent une tasse de café fumante à côté, parfois du thé, presque toujours ma bouteille, jolie bouteille dont je ne peux me passer. Buveur ? Oui, j’avoue, une à deux bouteilles par jour, de ce liquide blanc qui s’en va irradier mes cellules, déliés mes sens et donner du cœur à l’ouvrage. Boire m’est vital, et tant pis si d’illustres auteurs puisaient leurs vers dans leurs verres à vin ou bien encore s’en allaient chercher leurs inspirations auprès de la fée verte, belle absinthe de sinistre réputation, moi c’est plutôt d’un joli château que vient mon cru, peut-être pas de ces fières bâtisses aux façades géométriques pour ne point briser l’alignement des ceps de vignes plantés devant, à moins que cela ne soit l’inverse, la géométrie des vignes nécessaire pour faire écho aux façades rigidement architecturées ? Un vieux mal français, les fameux jardins à la française prolongeant l’austère symétrie de nos royaux châteaux. Pas étonnant que je préfère les jardins à l’anglaise, les calages à un tiers-deux tiers plutôt que la parfaite symétrie trop froide et trop imbécile. Regardez un peu votre prochaine assiette lorsque vous irez au restaurant, l’organisation se dresse à l’impair et non en un pair froid. Mais je m’écarte du sujet, alors, refermons la grille du domaine, quittons les vignes et regardons là-bas le haut château d’eau d’où mes crus préférés sont issus, car c’est bien de l’eau, sous sa forme la plus basique, à peine H2o, qui m’abreuve et m’irrigue.

Vient ensuite l’aspect matériel, variable selon les époques, les endroits, les moments où se commettent ces choses qui s’empilent. Il y a le mode nomade, en vadrouille, le plus proche des méthodes de toujours, du papier de l’encre, un stylo. Le papier peut voler, le cahier retient mieux les pages, tout comme le stylo retient mieux l’encre et sa bille qui n’est pas de clown aide à moins me colorier mes doigts de gaucher lorsqu’ils repassent par dessus les mots à peine tracés. Le papier est presque toujours blanc, de ce blanc qui évolue sur plusieurs teintes selon qu’il est plus ou moins recyclé, selon aussi qu’il est plus ou moins occupé à se dorer la pilule au soleil. L’encre est souvent bleu, parce que j’aime bien écrire en bleu, parce que je n’ai pas encore l’âge des écrits trop sérieux à mettre noir sur blanc. Il y a le mode posé, plus confortable, assis, rarement couché, par les joies de l’électronique, le pc qu’il soit fixe ou portable devient support et outil. La page blanche s’ouvre sous Word, on ne peut plus connu. Mais que fait la police ? Et bien elle s’installe en Verdana, hauteur 10, les marges deviennent étroites, la page de format A4 dévoile un grand rectangle blanc qui n’a rien à voir avec le rectangle blanc de mon enfance, et là aussi, je parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. Décidément, j’écris en vieux mais contre tous. Ah, ce rectangle blanc ! Symbole d’un temps ou voir un bout de sein, une fesse était digne de réserver cela à l’adulte et de l’indiquer par ce symbole hautement traductible y compris en noir et blanc. En ce temps-là, même les chansons de maitre Georges Brassens étaient dignes de censure. Mais aujourd’hui ? aujourd’hui sans limite, la société se cherche, on peut même afficher un homme nu derrière des enfants dans le grand catalogue de la redoute, le moindre produit à vanter nécessite un corps nu pour faire passer le message, et bien des textes sont plus insultants que la plus crue des œuvres de tonton Georges. Mais revenons à ma prose, le rectangle blanc ne m’impressionne pas, j’ai de toute façon plus de dix huit ans. Le but du jeu, car écrire est un jeu pour moi, le but du jeu donc est de rédiger une prose dont la taille ou le volume, c’est selon, sera délimité par ce fameux carré rectangulairement blanc, un peu comme dans notre religion régionale, celle de l’ovalie, on reste sur le pré sans sortir des limites mais attention, pour vaincre il faut y développer du jeu, occuper l’espace, passer par les ailes, cadrer et déborder juste ce qu’il faut. Autrement écrit, il faut remplir la page, dans le laps de temps le plus court, et si on a droit à l’essai, la copie n’est pas revisitée, elle est livrée telle quelle, brute de fonderie. Mais ce défi à la page est le même sur cahier, sur feuille volante même, la seule différence alors revient qu’il faut le retranscrire au clavier, avec la tentation de revisiter une phrase, un mot, des mots, rarement un paragraphe.

Voilà donc, l’étape première, celle de la rédaction. Les idées fusent d’elles-mêmes, parfois elles posent des congés, des RTT, aussi ces jours-là les pages restent vierges et le blog orphelin, quand ce n’est pas l’auteur qui s’en va vaquer à d’autres occupations. Vient ensuite la publication, très facile, un copier-coller depuis Word, une remise en forme selon la forme voulue et décidée pour le blog, et puis un appui sur le bouton « publication » et voilà ces quelques mots rangés sur les étagères d’un blog, lui-même rangé sur les étagères d’autres blogs. Voilà comment sans intermédiaire, les mots glissent d’un clavier à un écran, puis à d’autres écrans, anonymes ou moins anonymes, anonymat voulu, publication gratuite sans descendance laissant le loisir d’exprimer par commentaire ou par message privé ce qu’il est, ressenti, lu, perçu, ou bien simplement message personnel. Le courrier des lecteurs n’est pas générateur d’emploi, l’écrit se raconte aussi à l’oral.

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