Sortie

Sortie. Sortie de crise et pas sortie de route, sortie d’un tunnel où la vie nous plonge parfois, mais la lumière est là. Une période spéciale, que d’aucuns nommeraient « difficile », une sorte de raccourci qualificatif qui ne colle pas vraiment à ce qui est. C’est aussi cela l’étrangeté de nos discours, employer des mots, des adjectifs qui sonnent bien, qui percutent bien, mais qui ne correspondent à la réalité des choses. Bien sûr, dans notre époque qui oublie que de trop le réel, c’est monnaie courante et perçu sans trouble, belles années de tricheries, on ne se nomme que par pseudo, on s’invente des vies, des envies, on court vert le plus beau, le plus brillant en oubliant que les plus belles beautés demeurent cachées. Ainsi va le vingt et unième siècle, pas d’association d’idée trop rapide qui dirait qu’il court à sa perte car même si notre monde est devenu très informatique jusque dans les moindres de nos téléphones ou bien encore machine à laver, tous ces appareils disposent d’un bouton « marche-arrêt », non ?

Alors, le choix fut fait, en cette belle année d’appuyer sur certains boutons, et même pire, d’en ôter les fusibles. Pire ? Non, facile à faire, facile à vivre, enfin, après quelques temps dans le noir, comme quoi, on ne devient pas nyctalope du jour au lendemain, mais cela dit, nyctalope de jour ne sert à rien, qu’on se le dise. Pas facile de se réveiller, parce qu’il s’agit bien d’un réveil en fait, pas plus qu’il est facile de se retrouver soudain sans miroir, toutes ces images renvoyées qui font ou plutôt qui faisaient que l’on marche à l’envers, juste parce qu’on lève le bras gauche pour coller à l’image reçue qui lève son bras droit. A trop observer l’image on en oublie l’original. Voilà pour l’image, quant au son, là, il est vrai aussi qu’on s’habitue et qu’on s’entraine à être pour être appelé, qu’on se focalise sur l’aide qu’on apporte aux autres, solliciteurs existentiels, en oubliant de s’aider soi-même. On se transforme en « sos détresse amitié j’écoute » sans comprendre que même si cela est utile, ce n’est pas non plus un emploi à plein temps ni une fin en soi. Alors on court, on répond, on existe, oui, c’est si bon d’exister, mais en fait, non, on n’existe pas, on est un personnage et non soi, et ce personnage devient si captivant qu’il en étouffe l’être vrai, comme le lierre étouffe l’arbre, ce n’est que la couche superficielle qui devient visible en oubliant le cœur. Passe que les solliciteurs ne soient ou pas à sens unique, simples appels à l’aide et non appels pour l’échange, être soi ne passe par les autres, encore une fois, on a tous un bouton « marche-arrêt ».

Bien sûr, on a le choix de suivre ces sons et ces images, tout comme on a le choix d’aimer. Aimer, quel joli verbe, quel bon mot, mais aimer nécessite d’être aimé et mieux encore, d’être aimé pour soi, non pas pour ce qu’on représente. A vivre sous le masque, c’est le personnage qui est aimé, non l’acteur, mais encore, pour redevenir l’acteur de nos vies, il faut s’aimer soi, profondément, passionnément, au-delà des faux pas, au-delà des abimes, au-delà des couleurs de la vie, fussent-elles sombres et pires encore. Las, de guerre lasse, le combat commence et non finit. Place au tunnel, au retrait, à l’introspection, à la mise en garde de la petite lumière qui éclaire avec peine cet amas de chair et d’os qui compose le véhicule de cette vie-ci. Tombe des masques, au cimetière des faux espoirs, la carapace s’enterre et la lente chrysalide s’opère. Nettoyage intérieur, nettoyage extérieur, classement des choses, effacement des liens, on ne revit pas le passé, il n’y a pas de deuxième chance, l’esprit humain est puissant et sans bouton de remise à zéro. Pause n’est pas le mot, ou alors pause active, même si le mode est solitaire, il est quand même lecture, un peu écriture, ça vous le savez, il est aussi plongée et remontée, détente et arrêt, chantiers et perspectives, nettoyage et rangement. Tout cela est très simple en mettre en prose comme ça, quelques mots à l’encre noire sur le papier blanc. C’est pourtant un long chemin, sinueux, dérangeant, perturbant, angoissant même parfois, au point de secouer la vie comme ce magma en ébullition qui fait rompre la croute trop fragile de l’écorce terrestre pour jaillir en un puissant volcan, et cette étape-là, est brûlante d’énergie, elle éclaire la fin du parcours, tout en laissant tout de même une pointe de nostalgie, celle de savoir, de comprendre, que c’est là le dernier cursus, la dernière des évolutions, la clôture des derniers karmas après tant et tant de chemins parcourus, de destins vécus, d’échecs accomplis. Un sentiment bizarre aussi, celui de savoir et de voir ce qui n’est pas encore vu par le nombre, de ne pouvoir parler sous peine de rester incompris, tout en ayant la force et la facilité d’exprimer et d’illustrer ce qui est, ce qui sera.

Je ne connais pas le ressenti du papillon aux travers des stades de son développement, mais bigre que ça fait mal de traverser ce couloir, cette porte entre deux mondes. Je sais aujourd’hui bien plus qu’hier, je sais aussi pourquoi le parcours s’arrête ici, et ce qui sera, non pour moi, qu’est ce que le moi d’ailleurs ? Moi, je, il. Trois regards sur une même entité, pourquoi vouloir dire que celui-ci est plus vrai ou plus sincère que celui-là ? Pourquoi ne pas au contraire regarder par ces trois regards pour mieux voir qui on est et où on va ? Encore faut-il avoir envie d’aller…. Et comme vous me connaissez par les mots, vous comprendrez aisément qu’il y a double sens là-dedans. Non ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il ne reste plus qu'à te souhaiter beaucoup, beaucoup, beaucoup de
bonheurs à venir. Un garçon bourré de gentillesse qui mérite enfin la paix après toutes ces tempêtes traversées.
Un plaisir d'avoir croiser tes lignes, salut l'ami, salut papy.

Natacha.

Didier a dit…

merci, c'est très sympa. Plaisir partagé aussi, même si....

Anonyme a dit…

...?

Nat

Anonyme a dit…

Bonne continuation, merci pour tout

Je t'embrasse,
Nat