Puisque le temps



Puisque le temps en son cours est venu s’immiscer dans le lent décompte initialement prévu en quatre actes sans entracte, je profite de l’entracte imposé pour glisser ici même quelques anodines pensées. Oh, ce n’est là qu’un entracte, point un demi tour, juste une pause dans l’écriture d’une conclusion, et même à vrai dire, juste qu’au final la conclusion n'est peut être pas courte quand bien même elle est éphémère. Dans la tragédie des hommes, ce ne sont pas les plus grandes qui sont les plus tristes, rien n’est simple dans nos vies. Une chance, si je puis dire, il serait triste en effet que les choses se bâtissent sur des règles somme toute très cartésiennes, logique implacable sans part de liberté. On peut dire que les grandes douleurs sont muettes, mais à l’écrire, c’est autre chose, à part peut-être pour les muets ? Peut-être bien aussi pour les malentendants ? sorte de doux euphémisme qui condamne les sourds à l’inexistence, ou peut-être une façon habile de se voiler la face et refuser de voir ce qui est vraiment ? diantre, que de « peut-être » dans tout cela ! Quant à se voiler la face, je vois déjà se brandir les poings rageurs des bien pensants pour qui le voile n’est que prétexte fallacieux à mieux se dévoiler dans une opposition aux règles forcément indiscutables. Une autre forme de douleur, une autre forme de couleur dans un monde trop uniforme au point de faire gerber l’originalité dans le caniveau des mauvaises pensées. Qu’est ce qu’une mauvaise pensée ? C’est penser ce que je ne pense pas conclurait la très haute autorité, alors zou ! Le doigt sur la couture du pantalon, on applique les bon vieux principes judéo-chrétiens, et surtout, on ne s’écarte pas du rang, qu’on se le dise !

Uniforme. Basique. Directif. Contraintes. Contours délimités, périmètre fermé à triple rangée de barbelés, vous pouvez penser, imaginer, créer mais à l’intérieur du cadre, dans le sens et dans le tempo bien défini, mais est-ce là la créativité ? Ne voyez pas d’images  sépias ni de couleurs kaki, ces contraintes-là, ces murs-là, ce sont nous-mêmes qui nous les érigeons, fières victimes de nos éducations, moutons de Panurge suivant en bellement la voir tracée par nos aïeux, qu’ils soient ou non de notre sang. Tiens d’ailleurs, pourquoi kaki ? Pourquoi appelle-t-on « kaki » ce vert hideux alors que le fruit du plaqueminier se pare d’un bel orange qui égaie les cieux d’automne ? Oups ! Me voilà sortit du cadre de ma prose, sans que je n’y prenne garde…. Des envies de liberté ? Non, une vie libre, d’homme libre, une vie à briser des chaines entravant les karmas successifs depuis déjà bien des rotations entre vies et après vies. Ainsi vont les cycles du temps, les résolutions de ces parcours initiatiques chargés d’épreuves, chaque pas est un pas plus loin dans la légende personnelle, rien n’est jamais anodin, les messages arrivent de partout mais peu arrivent à être lus. Je  reste pourtant persuadé qu’un jour viendra où les  yeux s’ouvriront sur les réalités du monde, un jour viendra où l’étroitesse d’esprit brisera les carcans serrés par nos éducations, un jour viendra où chacun comprendra qu’il a la clé, sa clé, de sa propre vie, le choix de ses limites, le choix de sa vie.

Utopiste ? Oui, si cela vous plait de le penser ainsi, non pour vous plaire, je n’en ai cure, je ne fonctionne pas aux flatteries, car ainsi que nous l’a écrit Jean de la Fontaine et que nous l’ont fait apprendre et réciter nos adorables maitresses, « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Maitresses ? Oui, dans le sens de nos jeunes années, bien avant qu’on inventât les professeurs des écoles, dans ce temps pas si ancien où l’instruction civique jouait de morale, où l’on savait la politesse, dans des classes décorées de ces cartes colorées, géographies ou bien chaine alimentaire, le visuel était peut-être vieillot mais ô combien enrichisseur de connaissances.

Optimiste ? Oui, si cela vous plait de voir le verre à moitié plein plutôt que de voir le verre à moitié vide, à vrai dire, ce sont les deux moitiés qui servent à la dégustation : le nez cueille les aromes dans la moitié vide pour aller titiller les papilles olfactives, comme quoi, le vide à du bon, et même je dirais que le vide est plein de bon sens ; la moitié pleine contient le nectar, celui qu’on boit doucement, qu’on fait rouler en bouche avant de le recracher, comme quoi cette moitié-là n’est pas de celles qui restent, juste un éphémère passage avant de filer à l’égout. Pour ma part, je m’alimente des deux, le  vide plein de sens et la matière à déguster sans jamais la recracher que par des voies plus naturelles que celles précitées. Encore une étrangeté de nos vies : on empêche nos enfants de cracher, on conseille de cracher le produit dégusté…. Tout comme on apprend le nouveau né à bien roter pour mieux l’interdire plus tard. Paradoxe. Comme quoi l’homme se cherche toujours et se cherchera toujours tout au long de ses vies.

Libre ? Oui, quel que soit le prix de la liberté, elle est la seule qui permette de grandir, de s’épanouir et de parcourir un maximum de sa vie. Libre ne veut pas dire opposé à tout, ni même hors norme, d’ailleurs, c’est quoi une norme, c’est quoi la normalité ? Libre ne veut pas dire non plus solitaire, ni asocial, ni forcément célibataire, erreur trop primaire et trop fréquente, les raccourcis ont la vie dure, sauf du temps de la révolution et des méthodes du brave docteur Guillotin, époque révolue où les raccourcis perdaient leurs têtes tombées au panier. Otez les œillères, regardez autour de vous, soyez enfant, apprenez à vous émerveiller, du temps qu’il fait plutôt que de celui qu’il a fait, du geste anodin plutôt que des gestes passés. Le passé est passé, certes, mais il est vous, ce que vous êtes n’est que façonnage lent et méthodique de leçons reçues, de coups pris, de parcours passés. Ce qui est géant, c’est de savoir qu’aujourd’hui est, que tout peut être géant si l’on prend le temps de voir les choses en grand, en prenant le temps. Ce qui est énorme, c’est de savoir qu’aujourd’hui enfantera demain et que demain sera plus grand encore, parce que poussé sur les cendres d’aujourd’hui, et surtout, parce que nous le voulons ainsi. Pourrait-il en être autrement ?        

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est vrai, la liberté est bien le seul moyen de grandir et d'avancer dans nos vies. Mais bon sang, que cette liberté se paye chère...

Natacha.

Didier a dit…

tout est cher désormais, mais la vie et la liberté méritent ce prix à payer...

Anonyme a dit…

Oh que oui, largement mériter.

Natacha