Autres temps

Dans un monde où tout se passe très vite, où tout va de plus en plus vite, voilà notre été qui lui arrive en retard au point de s’en venir griller les plates bandes de l’automne. Bon, comme rien n’est jamais parfait (qui a dit moi ?) les jours eux, ont décidé de prendre leurs quartiers d’hiver, ce qui est bien dommage, par ce grand beau temps on gouterait bien volontiers à de longues soirées de lumière. L’été de la saint Martin dit-on mais en fait, la saint Martin se célèbre le 11 novembre, je veux bien qu’on aille vite, mais quand même, attendez donc un peu et profitez du bel automne. Certes, nos réserves d’eau sont au plus bas, les longues nuits n’apportent pas assez de rosée pour reverdir les pelouses mais il est bon qu’il nous reste encore une chose non maitrisée par des technocrates ou autres politiques prêts à décider de qui est bon ou non pour l’humanité. Il fait beau, même chaud, tout en ayant de fortes amplitudes thermiques entre jours et nuits, mais que cette saison est belle. Non pas une arrière-saison qui prendrait une connotation péjorative, non, une belle saison, aux reflets bien dorés, aux endroits dépeuplés quoique cette année il soit spectaculaire de voir le tourisme encore en activité sur le littoral, sans compter les nombreux actifs venant encore se ressourcer aux vents iodés. Il fait beau, il fait bon, alors profitons !

Qu’importe que le jour soit court, il suffit de reprendre le bon sens de nos aïeux, ces vies d’avant les heures fixées par la nation et validées par l’Europe, ces vies aux rythmes de la lumière de notre astre. Levé au jour naissant, rentré au jour baissant, la nature nous appelle, bon, entre deux coups de feu hélas pour le footing dans la forêt, mais là aussi, par la faute de l’homme, le gibier pullule comment veux-tu qu’on recule ? Trop de sangliers, trop de chevreuils, et puis désormais trop d’adversaires dans nos montagnes pour ces pauvres moutons. Désormais, en plus des ours, des loups et des chiens errants, voilà que les corbeaux attaquent, mais où va-t-on ! du jamais vu, c’est vrai, mais il est vrai aussi qu’autrefois, dans ce fameux temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre, pas plus que les moins de quarante, septante ou nonante voire plus, autrefois donc, du temps où les vrais ours parlant le pyrénéen couramment et sans accent autre que celui de la vallée originelle vivaient en nombre, de ce même temps, puisqu’il y a accord des temps, de ce temps-là disais-je, où les loups peuplaient les montagnes, et d’autres bêtes férocement féroces comme le lynx et même le dahu d’ailleurs, encore que le dahu, peu en avance la preuve donc j’emploierais plutôt un conditionnel même si je suis un inconditionnel de la vérité vraie, mais on s’écarte alors revenons à nos moutons. Imaginez donc la chose, dans un espace plus restreint, non, ne souriez-pas, nos montagnes (belles mais là n’est pas la question) n’ont pas grandit depuis ce temps, non, sauf à superposer la couche des déchets des urbains randonneurs soumis à l’excédent de poids et contraint de laisser les boites vides qu’ils montèrent pleines, le poids, tel est l’ennemi du randonneur, mais bon, revenons à nos moutons. Donc nos montagnes sont les mêmes, mais l’espace en ces temps-là était plus restreint. Comment se fait-ce ? Oh, pas de propos en dessous de la ceinture, juste qu’en ce temps d’avant tout ce tralala qui nous détraque la planète, le grand architecte pour décorer ces superbes rochers, goutant fort peu au sucre glace et à la chantilly, inventa la neige et la glace pour qu’au loin on puisse voir briller les montagnes, reflet d’argent dans l’horizon, c’est aussi pour cela qu’il mit la neige et la glace par-dessus sur les sommets et non point dans les vallées, n’en déplaisent aux stations de basse altitude. A toute fin utile, je préciserai dès lors que le mouton même emmitouflé de laine n’aime pas la neige ni la glace, quel que soit le parfum, lors de la grande distribution des rôle, ce rôle-là fut dévolu au mouflon. Un rhume ou une erreur dans le texte ? En tout cas, le mouflon est supérieur au mouton, du moins dans l’altitude, c’est un fait, qui sans rabaisser le mouton le cantonne à vivre en dessous, mais comme on aime bien les moutons, on a brisé la glace et rendu l’alpage aux ovins, enfin, là où l’herbe pousse, quant au mouflon c’est une autre paire de manches. Mais revenons aux temps anciens, les prairies moins vastes pour les nombreux moutons, les bois et les forêts pas aussi développées, les ours, les loups et les autres en pagaille, voilà qui peuplait bien plus la montagne. Comme le vide appelle le vide, et le plein appelle le plein, en ce temps-là on ajoutât aussi quelques bergers, non pas landais, les échasses ne sont pas pratiques en montagne, croyez-moi, mais plutôt des bergers du cru, parlant l’ours comme le loup, sachant reconnaitre un bélier d’une brebis (si, si) et apte à vivre dans une cahute pas encore refuge de montagne, avec comme frigo l’eau fraiche du ruisseau pas encore asséché ni pollué, avec comme distraction les soins, les traites, les tontes, les agnelages et même la fabrication de fromages, non, rangez votre smartphone ce ne sont pas des applications à télécharger mais de ce qu’on appelle la vie vraie. Bon, si malgré tout cela, il lui restait du temps, il pouvait jouer à saute-mouton mais pas d’allusions, juste réminiscence (non parfumée, comprendra qui pourra) des années scolaires. Pas d’emmerde de couverture réseau ou hertzienne, de toute façon de cabane en cabane les messages circulaient et la liaison avec la plaine se faisait aussi bien plus simplement. Et puis, comme il restait de la place on y mit aussi des chiens. Bref, tout ce petit monde cohabitait tranquillement, on mangeait gaiement de l’ours, du loup, du dahu, de l’agneau et du fromage, quoique le dahu je n’en sois pas sur. Les corbeaux, peu répandu et peureux ne s’approchaient pas de ces êtres vivants, la montagne recelait toujours des cadavres de choix.

Mais qu’est ce qui a donc changé ? Moins d’ours, en plus étrangers, moins de loups, étrangers en visite, plus de corbeaux, plus de moutons…. L’équation en est difficile. Ah si ! Et si on relâchait du berger ? Slovène, pour parler aux ours, nos bergers travaillent aujourd’hui à la ville pour joindre les deux bouts, italien pour parler aux loups, des chiens pour les accompagner et puis des trucs à télécharger parce que le ruisseau est mort ou asphyxié, le fromage interdit par Bruxelles qui préfère ses choux, et le saute mouton mal interprété. Et bien, il suffirait presque d’essayer, non ?

Aucun commentaire: