Merci



Les chemins de la vie sont toujours peuplées d’étonnantes rencontres, de ces partages et de ces échanges qui vous marquent à jamais. Il y a longtemps déjà ou pas, selon les critères que chacun donne au temps, même si tout un chacun manque de temps, bref, dans ces années lumières où le peuple de France soulevait la coupe dorée, je démarrais une vie qui allait prendre le virage et la montée qui sied à la randonnée. Oui, randonneur, et non rang d’honneur, oui, je quittais mes pas de solitude et mes explorations solitaires pour goûter aux joies de marcher en groupe à la rencontre de ces nobles paysages, savamment relevé de ces pique-niques organisés dans les lois d’une logistique implacable, de l’apéro au dessert tout était fier. Ces chemins-là, pas à pas m’ont conduit vers ce qui reste aujourd’hui la plus belle partie de ma vie, de ces épisodes qui vous font mener la vie sur un pas de deux, un rythme étoilé aux accents associés, un départ… A la découverte d’un monde, de lieux, de personnages, à la découverte aussi de soi à travers tous les pas parcourus. C’est ainsi que j’ai découvert ce coin de terre accroché à la vie, ce coin inconnu mainte fois traversé par la trop fière autoroute qui le défigure. Ce coin de terre, c’est aussi un grand morceau de cœur, de ce qui est un vrai cœur, noble et puissant, de ces portes qui restent toujours ouvertes, de ces bras qui vous accueillent sans jamais vous repousser, un écrin extérieur pouvant sembler austère, une maison pleine de recoins, de coins, de souvenirs, de rires, de chants, de pleurs aussi, que serait la vie sans l’eau fut-elle des larmes? 

Cet écrin-là, c’était le territoire des grands-parents, deux immenses personnages bourrés de gentillesses, de plaisirs à partager, d’éducation à vous donner sans aucune fâcherie, l’avantage dans notre midi c’est que les éclats de voix ne sont pas colère, enfin, pas toujours. Hélas, trop vite la maison a perdu sa reine, son âme, la sournoise maladie a vaincu trop vite, trop facilement, mais au moins, la souffrance a perdu ; Maigre consolation. C’est après ce moment-là que nous avons pris nos quartiers d’été d’abord, pour apporter notre soutien à cette moitié sans moitié, puis nos quartiers d’automne, aux rythmes des vendanges, des balades ventées, et ceux d’hiver aux grillades de braises, aux flambées de platane, puis les quartiers de printemps, ceux de la sève qui monte, ceux des oliviers fraichement plantés, et le cycle immuable du temps ramena l’été. Les années succédèrent aux années, à chaque fois, le plaisir d’être là était un plaisir plus grand que le précédent.  De cet homme à la voix gravé à jamais dans mes neurones, des ces bons mots qui nous faisaient toujours sourire, comme « quand il pleut on s’en dégoutte » ou bien « la boue de Moux tâche », et surtout, de ses leçons d’homme de terre, de région, ces sentiers dans le noble Alaric, de ces noms si poétiques que les trop sérieux géographes de la noble institut géographique national n’ont pu qu’omettre de glisser sur les cartes, j’ai appris à aimer. Le lieu, les pas, les courses, reconnaitre les odeurs, deviner les rondeurs, jouer à explorer la combe du premier lièvre, celle des perdrix, mais aussi la bonne chère, les bonnes pièces de boucherie ou bien encore les gibiers gouteux des collines d’ici. Est-ce parce que mon grand-père s’en est trop tôt allé que j’ai adopté ce bonhomme si plein de gentillesse ? Difficile à dire, j’ai appris durant de très belles années, et j’ai connu ce qu’est le sens de l’accueil, la porte ouverte aux amis, ces week-end ou le luxe sentait bon l’onglet perlant sur la braise de cep de vieilles vignes, j’ai vécu ce qu’est le vrai chemin des écoliers, quand les images du tour de France à la télé par de chaudes après-midis d’été font naitre une folle idée de  s’en aller rejoindre l’océan en empruntant le chemin le plus court qui passe par tous nos col mythiques pyrénéens. Un MONSIEUR. Oui. Son baptême se fit par la voix d’un petit homme de 6 ans, venu là en ayant pris soin d’apporter des voitures pour jouer avec lui, cet homme s’appelait Pierre, il était déjà papy alors il devint à jamais papy Pierrot, dans cette voix cristalline qui l’appelait sans cesse, pour jouer, pour rire, pour lui montrer toutes ces joies qui émerveillent les enfants et dont on ne sait pas pourquoi elles désertent les adultes. Si mes racines lauragaises et audoises, si mon sang issu de la terre bouillonne aujourd’hui c’est parce que cet homme-là m’a appris les leçons de choses qu’on n’apprend jamais aussi bien qu’en école buissonnière. Si je parcours encore souvent ces montagnes, ces vignes, si j’aime à les faire découvrir, à les partager c’est à cet homme-là que je le dois. Si je sais aujourd’hui ce qu’est le travail du vin, ce qu’est la taille, ce que sont les oliviers, ce que sont surtout les joies, les rires, la passion, la famille, c’est à cet homme-là que je le dois. La vie d’adulte passe et défait des liens par inadvertance, par défi peut-être, par aveuglement surtout, mais même lorsque l’album se referme il reste des voix, des sons, des couleurs, des odeurs et par-dessus tout, des leçons. Pour tout cela, merci papy Pierrot.

A sa famille, celle du sang, celle du cœur, celle des boules, celles de la jeunesse, celle du labeur, à tous ceux qui ressentent le vide de l’orphelin, mes pensées et mes condoléances vous accompagnent. Ce jour, j’ai perdu un grand-père que la vie m’avait offert. Je ne le vole pas, je pleure en silence en repassant mes leçons aux lumières des souvenirs, c’est par là-même que nos défunts habillent toujours nos vies. Je sais aussi que de là-haut il veille sur les trésors de sa vie. 

Merci monsieur d’avoir illuminé ma vie et fait découvrir votre pays. 

Merci du fond des pleurs.   

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