Le peuple chat

Parmi nos animaux dits domestiques, s’il en est un qui évolue dans un statut à part, c’est bien le chat. Un sorte d’esclave affranchi de l’homme, libéré des chaines de la domestication il choisit plutôt que subit, car malgré tout, c’est bien lui qui commande. Question rythme de vie, quitte à se vouloir libre autant vivre à l’envers du logeur, cela dit, avec raison, puisque la nuit, tous les chats sont gris, même les gris d’ailleurs.

J’ai longtemps pris cette liberté féline pour une forme de désinvolture, mais au fil du temps, au fil des vies communes avec ces indépendants, j’ai appris à connaitre et à aimer les chats. Rien n’est simple lorsqu’on a été longtemps formaté par les relations hommes-chiens, il est bien peu de dire combien chien et chat sont différents. Si l’un est l’ombre de l’homme, l’autre en est davantage la lumière, non pas comparable au soleil, mais plutôt semblable à cette petite flamme qui brille à l’intérieur de tout un chacun dans une lueur parfois brillante et pleine d’énergies, parfois vacillante et fragile à souffrir d’une moindre brise. Belle leçon pour qui sait prendre le temps de voir, d’entendre, de guetter et de chercher à comprendre les mimiques, les miaulements, les feulements, les caresses du bout de la tête, de ces boules de poils qui n’habitent pas chez nous, c’est plutôt nous qui habitons au cœur de leurs territoires. La relation n’est pas comme on entend que de trop, qu’alimentaire, le chat est resté sauvage jusqu’au tréfonds de ses instincts, chasseur, cueilleur, chapardeur, profiteur, son territoire est vaste, l’ensemble des maisons qui le peuplent est sien, quel mal y a-t-il à troquer une caresse et un miaulement faussement plaintif contre un reste de nos repas, un peu de lait ou bien simplement une caresse, il suffit de le savoir, de replacer cela dans un contexte territorial pour comprendre le pourquoi du comment, et s’apercevoir qu’au final, c’est bien nous qui appartenons à notre chat.

On dit souvent que l’homme choisit un chien mais que le chat choisit son maitre. Je dirais même que le chat choisit, point, c'est-à-dire, qu’il choisit aussi et surtout d’être caressé ainsi que la durée des caresses, qu’il choisit ses horaires de repas, sa boisson et son bar préféré, il choisit même de vous faire plaisir en vous offrant ses plus belles proies, oiseaux, souris ou lézards, un sourire de fierté aux babines cadrant bien mal avec votre mine dégoutée. Voilà, vous êtes dégoutés, il est de gouttière, simple contexte à remettre dans le contexte. Il vit la nuit, vous le jour : serait-ce là une raison suffisante de lui en vouloir ? Dans notre espèce humaine dite évoluée, on a du mal à s’adapter à la vie de couple lorsque les deux protagonistes sont antagonistes dans leurs horaires de vies et de labeurs. Faible adaptation provoquant le fort taux de célibat dans les rangs des infirmières, des pompiers et des croque-morts, encore que dans ce dernier cas, je doute d’une étude particulièrement fiable sur le sujet précis. Oui, votre chat vit la nuit, et parfois, mais pas toujours, il vous le fait savoir. Doit-on lui en vouloir ? Après tout, cette mocheté de vase offerte par tante Irène finit au meilleur endroit qui lui sied, j’ai nommé la poubelle, après tout, ladite poubelle est au final bien mieux à sa place sous l’évier aux portes fermement accrochées, et puis, ces plantes vertes qui s’étiolaient depuis de trop longues années, ne sont-elles pas plus heureuses aujourd’hui à être broyées pour le compost ? Oui, on peut le dire sans se tromper, le chat est l’ami du ménage, sans jeu de mots (quoique). Rangement, dépoussiérage des dessous de meubles et même des dessus de meubles, rien n’échappe à la vigilance de cet animal intrépide qui saura calculer en deux bons, bien plus performants que les bons du trésor, comment on peut atteindre l’inatteignable, toutes griffes dehors, slalomant entre les pots et autres décors digne d’une œuvre temporelle à destin de devenir œuvre posthume, puis, l’exploit accompli, car c’en est un, ils se campent bien droit sur leur séant, vous regardent fixement et pissent en rient sur ces femmes infidèles euh non ! Je m’emporte là, nous ne sommes pas à Amsterdam, ce n’est là que de l’herbe à chat ! Non, ils s’assoient, les pattes avant bien droites, vous fixent et vous disent d’un sourire narquois : « tu as vu comment j’ai nettoyé l’araignée que tu as au plafond ? (toute ressemblance avec des personnes ayant « des araignées au plafond », même morte, ou bien encore avec des chats, même morts, ou bien encore avec d’autres armoires et bien d’autres griffes ne seraient que fortuites et pures coïncidences dont l’auteur décline la responsabilité, histoire de bien retomber sur ses pattes) »

Oui, c’est aussi cela un chat. Et deux chats ? Alors-là, la multiplication ne suffirait pas à décliner les bienfaits, ménages et rangements compris, avouez tout de même que jouer à « chat perché » tout seul relève du ridicule, mais à eux, que de rigolades, de démarrages à laisser sans voix les frêles statues, à redonner goûts aux puzzles, même et surtout si c’est une porcelaine ancienne et familiale, à imaginer dormir de concert lorsque vous êtes éveillés et bien sûr, courir aux doux sons des grelots de tous ces superbes jouets (merci messieurs les fabricants) lorsque votre sommeil se fait plus léger, et puis, d’un bond sauter sur la couette pour s’en aller sauter et mordre ces orteils à peine voilés, non, je vous assure, à deux, c’est mieux ! Que du bonheur ! Ne vous y trompez pas, si le ton (et non le thon, c’est un toxique pour les félins, d’ailleurs, avez-vous déjà vu un tigre manger du thon ?), si le ton disais-je, est badin, d’humeur joyeuse ce n’est qu’effet félin, ce n’est qu’à l’usage qu’on mesure si l’on est félin pour l’autre n’est-ce-pas ? De toute façon, avoir des chats pitres ne peut engendrer la mélancolie, et les chats pitres, lorsqu’on aime écrire, on connait…. Allez, je file, à vos croquettes et n’oubliez pas la sieste, sans quoi vous allez être d’humeur massacrante au réveil de demain…. Chat-lu !

Aucun commentaire: