Des pas à part

Opération à freins ouverts sur la Méhari, de quoi passer de charmantes soirées bien au frais dans le garage à démonter patiemment les différentes couches de pièces et d’accessoires qui cachent les précieux organes bien utile au freinage… Capot enlevé, tubes de chauffage (si, si, il y a du chauffage, surtout par beau temps !) puis boîtiers de chauffage montés sur les tubulures d’échappement et enfin, l’espace tout d’un coup bien vide, dévoile les disques et les étriers accolés à la boite de vitesse…. C’est bon, on y voit plus clair, enfin, sous réserve de disposer d’un bon éclairage car là, pour le coup, nous voilà plongé dans les entrailles de la belle, tout au fond de ce compartiment moteur devenu bien vaste ainsi déshabillé. Et revoilà les leçons de ruse et de patience pour venir au bout de la résistance des ces boulons soudain sortis de leurs torpeurs, à essayer de faire jouer les filetages dans un mouvement libératoire, qui n’est pas forcement du goût de la machine. Au prix de quelques griffures du métal sur les mains, de la clé sur les têtes de boulons, voilà que bientôt les morceaux se séparent. Il est l’heure de ranger méthodiquement les pièces de mêmes éléments dans des boîtes séparées, de nettoyer les boulons pour en calculer le réemploi possible, le tout copieusement arrosé de produits nettoyant et de photos numériques…. Ah ! Les joies du numérique dans le futur périlleux exercice de remontage…. Pièce après pièce, et même, piège après piège, la découverte, ou plutôt, les découvertes progressent. Découverte des techniques de montage, des ruses de démontage, d’une infinie patience acquise sur le bout des doigts, découverte de traces suspectes, de pièces nouvelles à remplacer, car bien évidemment, on ne joue pas avec la sécurité. Qu’il est bon de pouvoir bricoler ainsi sans la course du temps contre soi, sans le besoin impétueux d’avoir terminé pour le soir même. Des soirées tranquilles, au son de la radio, à ne pas voir défiler les heures, dans mon minuscule garage, sur mon gros jouet. Nettoyage, mise en peinture de certains éléments, analyse permanente des choses encore à faire, de celles qui soudain libres d’accès deviennent une intéressante opportunité, lecture effeuillée des catalogues, vérification du stock de pièces accumulées ces dernières années, puis, le temps venu de rentrer au chaud, après la fastidieuse opération de blanchiment des mains à faire pâlir un président américain dont soudain on ne sait plus s’il est élu pour sa peau ou pour son talent, place au merveilleux monde du net, le temps d’aller consulter la disponibilité des pièces les plus urgentes, de constituer la commande, sans oublier la cousine 2CV, histoire de grouper suffisamment le tout pour à la fois mettre à niveau les deux belles, et bénéficier du meilleur rapport prix par les jeux de volume…. Le temps d’attendre la livraison, les opérations nettoyage vont se poursuivre, le temps du remontage débute, avec à la fois l’excitation du boulot qui s’achève, des choses qui avancent, et à la fois l’appréhension du périlleux remontage, de la pièce trop usée qui cède, de celle plus malicieuse qui refuse de se monter, voire joue à cache-cache au moment de venir consolider le fragile équilibre.

Les choses avancent bien, ce qui reste assez paradoxal concernant le système de frein ! Comme quoi, il y a des freins à l’avancement qui n’en sont pas, ou plutôt qui deviennent des motivations supplémentaires pour les contourner et les dépasser. Certains rongent leur frein, moi je les change ! Après mémé, viendra le tour de sa cousine, histoire de ne pas perdre la main, le printemps n’est pas loin, elles seront prêtes pour s’en aller vadrouiller sur les routes du pays et même d’ailleurs. Le plaisir est dans l’apprentissage tranquille de ces rouages mécaniques, dans ces connaissances patiemment acquises au travers des revues et surtout du stage pratique, le plaisir sera de prendre à nouveau le volant, de freiner bien fort en se rappelant ces soirées de veillées technologiques, ces pièces démontées, nettoyées ou changées, remontées qui retrouvent là, nouvelle jeunesse… La satisfaction du travail fait et bien fait, d’avoir soi-même effectuée cette tâche qui n’est plus une épreuve, de soudain réaliser de visu et de toucher ces lignes souvent lues sur des blogs et des forums, de pouvoir en discuter entre connaisseur, donner son avis basé sur sa propre expérience, chose qui hélas se perd : aujourd’hui les gens donnent leur avis sans forcement avoir les connaissances, avec comme conséquence dans notre monde où trop souvent, c’est le dernier qui parle qui a raison, dans une triste victoire par abandon. Fierté des choses accomplies, des choses qui avancent et avancent bien, les chantiers se succèdent et se terminent les uns après les autres, certains dureront plus longtemps, mais au-delà de cela, l’important est la marche en avant, le saut en avant même, la progression et les changements opérés et établis, l’envie profonde et tenace de vivre, de franchir les étapes, de renouveler, non pas dans le sens de refaire, mais bel et bien dans le sens de nouveauté, de renouveler donc cet air et cette aire, cet air ambiant et ces ambiances, ces choses personnelles, ces pas en avant. Je ne mesure pas mes pas à ceux de l’humanité, je ne suis pas dans la lune ! Peu m’importent les pas des autres, les miens vont dans le même sens et tracent le chemin de la vie, bien au-delà des astres, bien inscrit dans la vie et dans le présent, des pas en avant sans se retourner, des pas assurés, des pas qui dansent sur des airs de gaîté, des arcs en cieux de sourires, des éclats de rires, des pas qui marchent vers le bleu d’un ciel de plus ne plus présent.

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