Ciel gris

Ciel gris et bas, mais toujours bleu au-delà du temps présent et là est l’essentiel…. Peu importe la pluie et les températures, quel que soit le temps, il y a toujours des mécontents pour râler, et comme les gens heureux ne s’expriment jamais, voilà une balance bien déséquilibrée. Il pleut, c’est vrai, il tombe quantité de ces gouttes d’eau, sources de vies, qui vont traverser les sols et alimenter nos nappes phréatiques, celles-là même qui demain, quand nous aurons trop chaud, de cette chaleur que nous réclamons pourtant aujourd’hui à corps et à cris, ces nappes d’eau que nous puiserons pour arroser nos jardins et recueillir un peu de cette douce fraîcheur bénéfique en été, trop fraîche en cette saison…. Il pleut, le ciel est gris, la lumière s’opacifie et enveloppe les paysages d’une nébulosité, modifiant les perspectives, effaçant les repères trop éloignés nous laissant ainsi focaliser sur ces avant-plans qui avaient jusque là tendance à disparaître dévorés par la majesté des reliefs d’arrière garde. Il pleut, le ciel est bas et écrase un peu plus les perspectives de ce plan serré, où l’ombre ne joue plus avec la lumière, où la luminosité monocorde efface toute mise en avant dans un principe égalitaire de traitement. Il pleut, et le ciel s’ennuie de cette monotonie grise et grisante, tellement elle nous saoule de tout lisser, de tout effacer et de ne livrer qu’un décor cotonneux.

Pourtant, loin d’être fatigué de cette ambiance grise, je m’amuse à poser le regard en des points variés du panorama, découvrant un arbre, un moulin, un clocher, jusque là oublié et anonyme dans l’immensité, aujourd’hui à peine voilé de ces coups de pinceaux gris qui animent la toile de mes paysages. Je détaille les reliefs ainsi extraits du décor, j’y cherche les couleurs aujourd’hui estompées, j’y place la vie aujourd’hui enfouie. A chaque étape son jeu de vie, ses retrouvailles avec ses bouts de décors, la nature comme les bâtiments se voûtent, se grisent et finissent par disparaître dans le fond du décor, tout comme les hommes s’emmitouflent et se tassent le long des voies, le pas plus lent ou plus rapide selon le froid, le souffle apparent en volutes de buée, ils traversent le temps, ils longent les champs désertés, retour vers le foyer, la maison nourricière, abri contre le temps, source de chaleur ou l’on aime à se retrouver, assis devant la cheminée ou réchauffe encore la soupe chaude. Qu’y sont-ils ? Qu’y font-ils ? Je ne sais, ils ne sont que personnages égarés dans ces paysages observés, traces humaines de la réalité au cœur d’un décor de nébulosité. Des ombres qui se font humaines dans un décor féerique, des humanités au cœur d’une irréalité, contraste saisissant entre la mobilité de ces personnes et l’immobilité du décor.

Ils vont sur ces chemins mouillés, se croisent parfois, échanger des mots, de ces mots qui causent de la pluie, du beau temps, de la pluie qui luit sur les pavés, du beau temps qui reviendra demain ou tantôt, de ce jour de repos quasi forcé, du froid qu’il fait et qui empêche de tailler la vigne, de rattacher les fils de fer, où d’aller labourer, enfin, dans ce temps là où la nature se respectait. Est-ce la grisaille du décor qui apporte la nostalgie à notre cerveau engourdi ? Les images qui viennent à la lecture du paysage racontent des histoires tirées des méandres du passé, des personnages sortis de l’imagination, des relations hypothétiques entre ces acteurs issus de la matière grise…. Du gris sur du gris ? Du ton sur ton, mais est-ce vraiment de bon ton ? Au-delà du sourire, au-delà des soupirs dans cette monochromie critique, l’essentiel pour moi est de donner vie à ces décors figés, ces paysages grisés par une volonté naturelle, cette monotonie dont beaucoup s’ennuient. Eternel rêveur oubliant d’associer couleur grise et tristesse, la vie existe belle et bien quelle qu’en soit la forme, le gris n’est qu’une pale variante du bleu, ce bleu si précieux qui éclaire nos vies, illumine nos jours bien au-delà des nuages. Alors, à quoi bon se désoler devant des paysages différemment éclairés ? Et quand bien même, que pourrait-on y changer ? Rien et c’est tant mieux, l’homme a suffisamment d’impact sur la nature, sans vouloir en rajouter, il est tout de même plus naturel de s’adapter que d’adapter, non ?

Alors, oubliez la tristesse, il fait clair dehors, le soleil brille c’est sûr, les nuages le cachent et nous ne voyons qu’eux. Pourtant c’est à lui et au bleu qu’il nous faut penser, laisser luire en nous ces rayons de bontés, sourire à la vie au delà des choses ternes, apprécier chaque moment comme étant singulier, les rassembler en un pluriel de petits bonheurs, de petites joies à savoir cueillir, à savoir lire dans les secondes qui autrefois nous paraissaient grise, exercice si simple qui conduit d’une lecture simple à une écriture efficace de sourires affichés. Il est bien des choses plus chagrines dans la vie qu’un peu de gris dans nos journées d’automne, sachons relativiser et remettre les choses dans l’ordre, comprendre le pourquoi, en déduire les joies de l’existence, tant que nous sommes encore là pour les voir, pour les discuter et pour les disserter. Ombres claires ou foncées d’un voile de nuage aussi bas posé, ombres naturelles, mise au repos forcé, ce qui nous manque aujourd’hui n’est que pour mieux souligner le bonheur de l’avoir un jour rencontré et bien sûr de le retrouver demain encore plus éclatant. Le soleil est un astre parfois cuisant, parfois manquant à l’appel bien caché par ce matelas de grisaille, mais sans lui nous ne sommes que pales, mais sans luire, il éclaire pourtant nos jours et nos nuits. Il pleut et il fait gris, c’est vrai, mais c’est si beau et si bon la pluie !

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