Trésors d'automne

Quel temps exceptionnel en cette presque fin d’automne, des températures qui ne veulent pas se les geler, du ciel bleu et un temps sec à faire pleurer ceux qui aiment leur terre, tant elle est sèche et craquelée. Debout de bonne heure et de bonne humeur, non ce n’est pas pour le ski, non ce n’est pas pour les raquettes, non ce n’est pas pour la randonnée, non, c’est pour une virée à la cueillette des trésors d’automne. Qu’il est bon de revenir dans ces coins aimés, ces bois dont autrefois je connaissais chaque repère, un arbre en travers, un ruisseau ici, la limite des fougères là, l’herbe fine juste avant le ressaut, cette belle montée et puis, ce bloc de rocher juste après le vieux houx qui n’en finit pas de chatouiller le ciel de ses feuilles presque sans épines, parce qu’il est malin le houx, plus il grandit, plus ses feuilles, hors de portée des prédateurs ne portent plus d’épines, ces mêmes épines qui me font l’appeler le « ouille », ben quoi, moi je ne suis pas grand ! Ces bois, je les connaissais sur le bout de mes doigts, de pied, bien sûr, car en toute saison, je les traversais, à pied, en vtt, promenade, balade, cueillette, quel bonheur de parcourir et de découvrir chaque fois les miracles de la nature et les dégradations de l’homme. Exit les hêtres, les châtaigniers, les charmes et les rares chênes, place aux forets de sapins, droits, imbéciles, réguliers, bloquant la lumière et empêchant les autres plantes de pousser dessous. Plus rapide, plus facile à suivre, à entretenir. Cela dit, cela a quand même un avantage, les sapins font peur aux chasseurs de champignon, mais les champignons sont issus du mycélium lui-même issu d’un terroir ancien et donc de feuillus, voilà donc comment on trouve des cèpes dit de Bordeaux sous des pins…. Mais chut !

Plaisir, d’être et d’hêtre, marcher, gravir, parcourir, humer, sentir, écouter, et parfois cueillir, car ces bois sont avares en bons produits, encore que sur le nombre de champignons qu’il y pousse, nous en ramassons fort peu du fait de nos méconnaissances. Tout d’abord, le sol, souple, parfois jonché de bois morts, parfois recouvert de ces ronces traitresses qui dès que vous avez le regard lointain s’en viennent enserrer votre pied pour mieux vous faire humer l’humus le nez dedans. Elles sont fines et très dures à rompre, parce qu’elles poussent difficilement, âprement, parce qu’elles doivent résister aux herbivores d’ici, chevreuils, biches et cerfs, d’ailleurs j’ai vu le crane de l’un d’eux, tout blanchi de désespoir, si jamais il venait à vous le réclamer, dites lui bien qu’il est après le troisième chêne en montant sur la droite, juste à côté d’un joli cèpe qui d’ailleurs n’y est plus….. Erreur de parcours ? Non, parcours tout court, on s’est croisé, il m’a plu, d’un coup de couteau assuré il fut arraché à son sol natal pour s’en aller combler un joli panier d’osier tapissé de fougères fraiches. Oui, commençons par là, d’abord les premiers pas, quelques hésitations, quelques bolets bais ici ou là, ces bolets qui font peur parce qu’ils bleuissent au contact du doigt mais qui sont pourtant d’excellent comestibles, et puis enfin quelques pieds de fougères bien droites, bien vertes, de quoi construire un nid douillet aux futurs oisillons perdus en chemin forestier; Voilà qui permet d’y déposer ces trésors d’automne, bolets bai et cèpes vrais, point de girolles ni de pieds de mouton, les russules nous ne les ramassons pas, ni même les jolis rouges à points blanc, amanite tue mouche appelées régulièrement champignon de belle mère. Je n’ai pas de belle mère mais lorsque j’en ai eu une elle était adorable et méritait plus les cèpes que ces poisons jolis…. Ah ces légendes tenaces qui font des belles-mètres des acariâtres et des gendres leurs ennemis !

C’est bizarre comme on rencontre un champignon. On est dans un bois, on choisit d’aller à gauche plutôt qu’à droite, bon, ok, normal je suis gaucher, on contourne cet arbre plutôt que celui-là, par-dessus plutôt que par-dessous, et vlam, voilà que se présente à nous ce chapeau sombre trouant les aiguilles de pins, brillant, sombre, ne demandant qu’à visiter le contenu de ce panier si accueillant, aux odeurs si prenante de ces fougères endémiques. Odeurs, parfums, bruits, sons, quel plaisir ! Le grelot d’un chien de chasse égaré ou non, ce bruit si familier parce que tant entendu, le toc toc régulier d’un pic dont on ne sait s’il est noir ou vert, mais dont on se doute qu’il chercher son déjeuner, les cris perçants de musaraignes en quête de pitance ou simplement causant sur cet automne trop doux et trop sec pesant sur l’avenir de ces peuples des forêts. La vision n’est pas en reste, herbe verte, fine et sombre, fougère mordorée ou bien encore verte par touffe serrées, feuilles craquantes car déshydratées, russules violettes ou bien lactaires beiges, cèpes sombre ou bien bolets bais, c’est tous les sens qui sont en éveil dans une symphonie d’après l’été. Quelques heures de répit aussi et surtout, quelques plaisirs aussi de cueillette et d’offrir en retour sur la ville à des amis ne pouvant profiter de ces bienfaits naturels, bien meilleurs qu’en sachet de tisane. A méditer. Non ?

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