pensées

Et revoici le vent de l’hiver sur les blanches montagnes, et avec lui le plaisir des belles randonnées en raquettes. Bon, ok, on oublie le décor idyllique, même là-haut, tout n’est pas blanc, les versants sud ont déjà pris leurs couleurs de fougères et de bruyères grillées qu’ils affichent d’ordinaire au printemps, mais le vent était de repos, le soleil brillait par sa présence et la neige sur les versants nord était hautement praticable. Un petit groupe, un paysage sauvage où les bois dessinent les contours du paysage, des parties de cache-cache d’avec le groupe, dans des course en solitaire, juste pour avoir le plaisir d’aller taper haut et fort dans la machine, de sentir le cœur battre à rompre jusqu’au fond des oreilles, d’avoir le feu qui brule la moindre alvéoles pulmonaires et de se sentir vainqueur de ces combats-là. Avoir la conscience d’être mortel, comprendre que tout va s’arrêter plutôt que tout peut s’arrêter, voilà qui donne des ailes sans ne rien remettre d’autre en cause que sa propre perception. Ces mini courses en solitaires me rappellent lorsque j’étais enfant dans mes paysages ariégeois enneigés mes marches qui me paraissaient longues, la lourde luge de bois tirée par une ficelle, tel l’explorateur allant vers l’inconnu, tel le trappeur canadien à la recherche des loups ou des ours à abattre, l’enfance est aussi cette période ou la cruauté n’a pas encore mauvaise perception. Les pensées voyagent, les efforts s’enchainent, le corps encaisse et en redemande, tant mieux. Le soleil dessine les ombres de ces squelettes de bois sur la poudre fine, qui soudain se transforme en plaque ridée, action du gel et du vent, magie des éléments, ici même quand tout s’oppose il en né de charmantes sculptures. L’œil se promène, scrute les sommets, les arbres et ces fragiles traces d’animaux. On se penche, on cherche au tréfonds des neurones les souvenirs des courses passées, des explications reçues, des leçons répétées. Ici le lièvre, là l’écureuil, plus loin le chevreuil, quelque fois des pattes d’oiseaux, la neige conserve ces empreintes comme le sable mouillé de l’océan garde l’empreinte de nos pas. Ici et là, entre deux mondes, la course poursuite des pensées encore. Il n’y a pas d’errements, pas de recherche de solution, juste le sport, juste l’endroit, juste le plaisir d’être et d’être là. Un fin janvier, un mois qui se meurt, le grand sablier continue le décompte, les jours rallongent et la lumière reçue fait du bien. Et puis ce retour à la nature, ce retour dans la montagne, ce retour au sport, ce sont autant de bulles d’oxygène qui viennent réveiller le corps et l’esprit.

Plongée vers le groupe, descente à travers rocher et arbres, pièges successifs, avant de se retrouver au bord du ruisseau. La glace le recouvre, par endroit la neige recouvre la glace, mais le plus magique c’est de voir ces bulles d’air comprimées entre l’eau et la glace, formes sombres qui roulent en surface, comme des mulots courant par-dessus le courant. Tout est magie dans la nature, ces formes effeuillées qui paraissent mortes et pourtant contiennent sous l’écorce la sève de la vie, celle qui fera éclater les bourgeons en des touches de verdures qui sauront réchauffer le paysage dans toute l’étendue du spectre vert. Tout est dans cette dualité, la mort, la vie, la naissance et le spectre, mais au-delà, tout est dans la magie de la nature, dans cette force qui à chaque fois permet à la nature de se relever pour mieux se réveiller et réveiller nos vies. Pauvres urbains que nous sommes devenus, coupés de notre mère nature, nous en avons oublié d’y puiser la force, la sérénité et la tranquillité, savoir que ce qui vit meurt, que ce qui meurt vit, savoir que la tempête ne détruit pas tout, ni même les flammes, mais donne l’occasion aux paysages de se restructurer, et peut-être, de se débarrasser de son plus grand parasite : l’homme. Ce n’est pas dans nos ficus délabrés qu’on peut puiser la force, ni même dans toutes ces plantes engraissées régulièrement, poussées à coup d’hormones, alimentairement modifiées, qu’on trouve de quoi redresser sa course, seule la nature sauvage, peu soumise à la main de l’homme, peut montrer combien les cicatrices du passé deviennent le fumier des lendemains heureux. Leçon de méditation, humilité devant ces énergies dégagées qui ne demandent qu’à être reçues, tel les druides autrefois, tels les magnétiseurs aujourd’hui, c’est dans les racines des arbres que nous puiserons la sève qui drainera notre corps, de nos racines à nos neurones trop oxydées.

Pause repas, pause partage, pause sourire, pause passion, celles de l’humain qui de par sa diversité créer une véritable richesse, celle du partage et de l’échange. Comme dans la nature où les essences se complètent, les différences de hauteurs font que certains sont protecteurs et d’autres protégés, les animaux régulent les pousses, l’équilibre devient force, relation peut-être cruelle mais chacun en sort gagnant, les surpopulations ne seraient que désastreuses, il suffit de voir nos plantations, nos élevages où même la plus laitière des vaches devient folle. Un moment à part dans le rythme des semaines, un temps de pause ou l’esprit se pause et le corps se régénère, un bienfait d’être venu prendre la vie au sein de la nature nourricière. Que du bonheur, tout simplement. S’isoler du monde en étant dans le monde, crever sa bulle dans une bulle d’air, sentir ses muscles se tendre et donner l’énergie d’avancer, leçon de vie, leçon d’envie, leçon de vivre. Tout simplement.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu nous fais toujours aussi bien voyager.......Merci

L'auvergnate