Putain j’ai trop la rage
Demain je déménage
Je change de quartier
Je pars au bloc « B »
30 ans que je galère
30 ans qu’ici j’erre
La même cage d’escalier
Aux murs tout taggés
30 ans que je vis là
Dans cette cité, bloc « A »
Demain c’est fini
Demain je m’enfuis
Adieu ma cité
Adieu mon quartier
Je quitte la zone de là
Je quitte les tronches du « A »
Aujourd’hui, mon vieux me fout dehors
Il en a marre que je passe mon temps dehors
A glander plutôt que d’aller bosser
A trafiquer tranquille pour avoir blé
Je pars au bloc « B »
Je kiffe déjà le « B »
J’avais jamais bougé du « A »
J’étais toujours resté là
Aujourd’hui je fuis mon quartier
Aujourd’hui je pars au « B »
Ma vie, mes potes, trafic sur e-bay
Demain, fini, je serais étranger au « B »
L’autre jour il y avait un vieux assis là
Comment qu’il se la racontait là
Il voulait nous faire croire qu’ici
Avant la cité c’était des pissenlits
Des jardins, des fleurs, la nature
Avant le béton, les voitures
Faut pas se la raconter
Moi je sais, ici je suis né
Avant, c’était déjà comme ça
Mes vieux sont d’ici, du « A »
Depuis toujours, empilés là
Comme les vieux de mes potes du « A »
Qu’est ce que tu crois, qu’ici c’est tout noir ?
Non mon pote, ma cité c’est pas un foutoir
C’est pas un zone, pas un état de droit
Il y a juste des règles, c’est comme ça
Il y a ceux du bloc « A », il y a ceux du bloc « B »
Il y a aussi les autres blocs et chacun gère son quartier
Chacun kiffe son bloc, son espace dédié
Sans mordre le trottoir de ceux d’à côté
Des bastons entre bloc, ça arrive parfois
Parfois même c’est souvent, des fois
C’est comme ça, chacun défend son bloc
Les règles de la cité, c’est pas du toc
Avec mes potes du « A » on a fait des ravages
Dans les caves du « B », du « C » des brûlages
De la casse aussi, dans presque tous leurs garages
C’est comme ça, c’est la loi depuis la nuit des âges
Aujourd’hui mes potes sont partis d’ici
Certains sont retournés au pays
Quel pays ? Ils étaient nés ici !
Le pays des pères est-il notre pays ?
J’ai des potes en prison, comme Farid ou Joël
Ils se voient tous les jours, mais c’est pas Noël
Farid est gardé, Joël est gardien
Drôle de métier quand tu sais d’ou il vient
La rue comme terrain de jeu,
La rue comme terrain d’ennui
La rue c’est notre domaine la nuit
Des éclats, des bris et du feu
C’est notre trip, notre rêve
La nuit, il n’y a jamais de trêve
C’est notre foi, notre droit, notre loi
Personne n’abdique à ce jeu-là
A la télé, ils parlent d’immigration non contrôlée
C’est pas eux qui se font sans cesse contrôler
Toujours les keufs qui te demandent tes papiers
On doit avoir un faciès spécial à vérifier
Ici, il n’y a pas de peuples, ni de races
Juste des hommes et des femmes sans strass
Ici tu parles avec qui tu veux, sans fard, sans peur
Tu es d’abord de la cité avant d’être de couleur
Ma cité, c’est ma vie, comme ma vie c’est la cité
Aujourd’hui du bloc « A », demain du bloc « B »
Je quitte un endroit pour un autre plus éloigné
Cinquante mètres qui se comptent en quartier
Cette frontière c’est la notre, ceux du « A » comme du « B »
Cette limite à ne pas franchir seul, toujours rester groupés
Demain je serais du « B » enfin, si j’y suis admis, intégré
Bastos contre les « A » ? Trop peu pour moi, j’en étais
Situation à la con qui me fait flipper
Situation naze, c’est pas l’extase
Se trouver loger chez les ennemis du « B »
Quand on est né au « A », c’est naze
De toute façon, je serais jamais du « B »
De toute façon, je serais plus du « A »
Paria des blocs, rejeté, non intégré
De quoi débloquer, n’être ni d’ici ni de là
Ma seule échappatoire, c’est dans les lignes
Pas celle de cette poudre blanche et fine
Qui te bouffent les neurones et te ruine
Non celles qui noircissent mes pages, infimes
Dans ma tête je rêve et je vole
Non ! plus des autoradios, c’est fini
Je voyage et je vogue vers l’infini
Parfois même je regrette l’école
Quelques mots sur du papier
Quelques mots pour exprimer
Quelques écrits lâchés et couchés
Mieux que mes tags du passé
Bloc « A » ou bloc « B » ce n’est plus la question
Cité cosmopolite, cité auto intégré
Cité pas si dortoir, dans une ville champignon
Cité législative et plutôt policée
Microcosme plus humanisé
Que bien des beaux quartiers
L’argent n’est pas le maître autonome
Le travail n’est pas le seul métronome
Alors quand tu passe sur le périphérique
Quand de ta caisse, tu vois nos tours
Penses qu’ici, même si c’est pas féerique
On vit, on parle, on bouge dans nos faubourgs
Notre monde est ainsi, plutôt rassurant
Il communique et est encore bien vivant
Qu’en est-il du tien ? Et tes voisins dans ton quartier ?
C’est quand la dernière fois que tu leurs as parlé ?
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