C'était mieux avant....

Lorsque s’en vient le temps des souvenirs, lorsque ces souvenirs prennent une saveur sucrée, lorsque les pensées genre « c’était mieux avant » s’en viennent chanter leur refrain, là, on mesure le vécu et surtout la descente du train. Tant qu’on est dans le train, tout va bien, on vit dans le même rythme, on traverse les mêmes gares, on franchit les mêmes évolutions et tout roule….comme sur des rails. Par contre, lorsqu’on voit passer les évènements sans  forcément les comprendre et pire, en cherchant la comparaison dans notre seul référentiel connu c'est-à-dire notre passé, là bien sûr, on reste à quai. Histoire de vies, histoire de temps, histoires de générations, mais putain, que c’était bien avant…


Difficile de comparer pourtant, le fameux référentiel n’est pas une référence surtout lorsqu’on le sort de son contexte, un évènement hors de son contexte n’est plus un évènement mais une interprétation, et puis, ce diable de cerveau n’est pas extensible à l’infini, il commence à saturer de classer dans des tiroirs et des cartons des tonnes de souvenirs jusqu’au point d’en devoir faire le tri et balancer aux archives closes du temps les souvenirs les plus quelconques et les moins plaisants. C’est comme le grenier d’une vieille demeure dans lequel ne se trouveraient que les belles choses. Quelle image des anciens occupants des lieux en déduirez-vous ? Que le grenier soit empli de livres, de vieilles dentelles, de bibelots et autres rideaux et vous focaliserez sur l’habitat, la quiétude du foyer, le confort et la connaissance mais après tous, stocke-t-on les vieux outils, les mains calleuses, les ampoules sur la peau tannée, les suées, les sueurs, les éreintements et les douleurs dans un grenier où les emporte-t-on dans la tombe ? Bizarrement, ces trucs-là ne font pas partis du « c’était mieux avant »...


Il peut y avoir de la nostalgie aux vieilles évocations, il peut y avoir aussi la tromperie des images d’Epinal, la tendresse envers ses parents et donc par extension une tendresse particulière envers la période de temps dans lequel ils vécurent mais cette buée aux yeux ne doit pas empêcher d’y voir clair : hier est hier tout comme aujourd’hui est aujourd’hui et tout aussi assurément que demain sera demain. C’est une forme de déni que de refuser de voir hier comme il était vraiment, et pire, de le regarder avec les yeux d’aujourd’hui. Prenons par exemple les musées et écomusées qui fleurissent ici et là, et tant mieux car il est important d’entretenir le devoir de mémoire mais cela nécessite malheureusement aussi d’avoir le recul nécessaire pour saisir la totalité du message. Voir un mobilier bien trop restauré, clinquant de brillant, des murs si blancs qu’on les croirait à peine repeint de la veille, c’est déjà un prisme déformant. Visiter une de ces vieilles demeures lorsqu’il fait trente degrés dehors, c’est d’abord apprécier la fraicheur des lieux, mais cela empêche sans doute ce que « pas d’isolation ni de carreaux aux fenêtres » signifient au cœur de l’hiver. Sans compter que de moins en moins de monde a connu le confort d’une vaste cheminée ouverte comme seul moyen de chauffage pour une pièce ouverte aux courants d’air. Et puis, il faut oublier l’art de l’empilage que réalisent les musées : à trop vouloir faire « d’époque » ils accumulent tant et tant d’objets et de biens offerts à l’exposition qu’il aurait fallu plusieurs générations d’habitants pour parvenir à cela.


Alors oui, c’était mieux avant, mais vu d’ici et de maintenant, en refusant de s’y coller et puis parce qu’à cette simple évocation des temps passées, ce sont autant de bougies qui disparaissent du gâteau d’anniversaire, un sorte de prime à l’éternelle jeunesse. Au fond, ce qui fait chier, c’est de vieillir et de ne rien plus comprendre aux mondes de nos remplaçants, aussi jeunes et plein de bonnes volontés que nous l’étions à leur âge, et ce qui passe pour nonchalance ou paresse ne trouve-t-il pas écho dans la même paresse ou nonchalance de nos jeunes années ? Le temps a passé tout comme il passe encore, et si hier fut bel et bien, demain le sera tout autant voire peut-être même plus, de toute façon, il n’est pas de comparaison possible, et puis de toute façon, aujourd’hui, il y a bien mieux à faire…


                 


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