Avec ma boite à gribouilles, je chasse les idées, je pêche
les situations, j’observe les traditions, toutes ainsi finiront images en
poésie, sortes de mots en couleurs. Marcher ainsi, voir, regarder, flâner,
suivre le vol lent d’un papillon, la course rapide d’une hirondelle, viser,
presser, clic-clac, c’est dans la boite ! Le numérique permet de jouir
rapidement de l’instant prisonnier, l’œil revit les détails dans le calme,
valide ou jette, avant que cette prison de temps ne s’en aille grossir les rangs
d’un disque dur étouffant de fichiers.
Et puis un jour, sortie de l’ombre, l’image parait agrandie au rythme
d’un économiseur fouillant dans les tiroirs du pc…. Où était-ce ? Quand
était-ce ? Instant échappé au temps
qui bien vite s’en vient comme il est venu, en silence et par hasard, le
papillon s’est enfui emportant avec lui jusqu’au décor qui l’accompagnait.
Marcher, se promener, se balader, autant de prétextes à immortaliser comme on
dit si bien ces choses vivantes en les tuant dans leur dernière position. L’œil
voit, commande, décide, le capteur prend alors toute sa dimension pour
transformer en pixel ce champ visuel si magique.
Ma boite à gribouille, c’est aussi ce grand cahier et son
stylo bleu, bleu ciel, bleu outremer, bleu nuit, bleu comme des rêves bleus.
Des pauses au cours de pauses, des poses de mots qui se déposent et s’enlacent,
construisent des phrases, des bouts de textes, des traces tout droit sorties
d’un jour, un instant, une idée. Ecrire est un exercice, une passion, une
détente, et comme toute passion, elle est capricieuse, prenante dévorante
parfois, parfois délaissante, oubliée, chavirée, vide. Des idées qui passent au
travers des neurones, beaucoup sont volages et ne s’attachent pas, elles
arrivent, elles traversent l’esprit mais ne s’y attardent pas, elles ne seront
que pensées sans mise par écrits, pourtant, le moment qu’elles procurent, la
vision qu’elles donnent, le sourire ou les larmes qui les traduisent ne sont
pas vains, loin d’être inutiles, c’est un éclairage différent sur un jour
différent, c’est la lumière en plein soleil, c’est une étoile dans un ciel
étoilé : on la voit furtivement, puis le temps de tourner la tête, le
rendez-vous est manqué, plus moyen de s’y reconnecter.
Ma boite à gribouille, c’est une vie, plutôt des vies dans
une vie, des périodes, des épisodes, des émotions qui colorent l’instant, qui
murissent plus tard et donnent au présent des reflets métalliques, des acides
et des mordorés, des pastels et des sépias, des ombres profondes, un
clair-obscur sur la toile de la vie. Faut-il s’en plaindre ? Non, bien
sûr. Serions-nous nous-mêmes si nous n’avions pas vécu ces accents de
vies ? Quel plaisir y aurait-il à rester monocorde, monotone jusqu’à
l’automne de sa vie ? Bien sûr les accents sont parfois aigus, parfois
grave, et l’on peut rester circonspect devant le circonflexe, mais il ne
faudrait pas se déséquilibrer à ne voir que les ombres, que les sombres, la vie
s’exprime aussi en rires, en humour et en poésie, qu’elle soit touchante ou
non, ça, c’est question de sensibilité, une sensibilité qui hélas de nos jours
à du mal à transpercer les tours d’ivoires et les armures dont les êtres se
parent. Retrouver l’enfant, l’âme d’enfant, c’est revenir au temps d’avant les
armures, c’est oser jouer sur toute la gamme des émotions, oser mélanger les
couleurs, oser traverser les octaves, oser vivre, tout simplement. Et si cela
ne plait pas, tant pis, vit-on pour plaire, non, je ne le pense pas.
Ma boite à gribouille est riche de choses et de petits
trésors accumulés, tantôt partagés, tantôt privés, tantôt en attente de la mise
en lumière ; Elle est riche aussi de ses pages blanches, de ses espaces de
liberté, parce qu’une vie n’est jamais trop remplie, ni trop pleine, ni vide de
sens, juste qu’il faut parfois savoir se remettre les yeux en face des trous,
voir, observer, rêver….vivre !
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