Brumes océanes


Des brumes buissonnantes sur les bruyères brunes, c’est le printemps qui se cherche encore en hiver. La douce chaleur d’un matin naissant condense cette transpiration nocturne des sous-bois où les bruyères ont encore la part belle sur les fougères tout juste sorties de terre. Ce halo nébuleux filtrant les rayons de soleil donne une atmosphère si particulière que les pas du matin s’en viennent observer. La longue allée pénétrant les pins se trouve bien vite  peuplée de tout un tas de chemins et de sentiers, plus étroits, plus intimes, plus propices à faire communion avec la nature. Loin des routes, loin des habitations, loin des bruits et des fumées des hommes, c’est ici que se mesure pleinement l’essence de ce coin de terre, les sens en éveil, tour à tour aux aguets, se laisser perdre dans l’immensité relative de ce monde sauvage. Une bifurcation, du sable, une montée, de quoi quitter la brume et prendre un peu de hauteur pour observer ces nappes cotonneuses s’étirant entre les arbres. Des oiseaux chantent, un jeune daguet reprend sa course, étonné sans doute de rencontrer par ici une de ces drôles de bestioles qui se tiennent debout sur leurs pattes arrières, bien que celle-ci semble avoir oublié de revêtir sa tenue de camouflage…

L’océan se fait entendre, il rugit de bon matin, et bien qu’il soit caché par la dune, on le devine tumultueux, ruant dans les brancards de rochers et de sables, transpirant d’écumes et soufflant bruyamment comme un jeune taurillon tout droit échappé de la proche Espagne. Quel décor féerique, les repères mis à mal par ces déchirés de brumes, le son puissant des flots sauvages, le soleil glissant ses rayons au travers des frondaisons, quel bonheur d’ici marcher. Bien que le terroir soit familier, connu et reconnu, chaque pas grâce à la nature est un pas différent, une vue différente, des parfums différents, des rencontres différentes. On peut profiter de ce vieil arbre mort pour s’asseoir sur son tronc atterré et de là observer les évolutions d’un combat amical, comme la bagarre de deux frères chats, sans savoir vraiment qui du soleil ou de la brume triomphera à moins que ce ne soit victoire par abandon ? Peu importe, c’est un ballet magique en trois dimensions, les filins nébuleux grimpant aux arbres avant de mollement retomber, les têtes encore roussies des bruyères jouant à cache-cache avec ces écharpes grises qui volent au presque vent du matin. Que serait la vie sans ces bouts infimes de vies sans cesse changeantes, sans cesse renouvelées ? Une vie sans surprise n’est pas une vie, le voyageur assis ici, voyage immobile certes, mais il vogue loin par les grâces d’une nature si fragilement préservée. Un frisson s’en vient réveiller le promeneur de l’aube, serait-ce la fraicheur matinale ou bien les tourbillons d’humidité ? Il est temps de quitter le siège et de reprendre le sentier, un peu plus raide, un peu plus de sable mou, les rugissements se renforcent, l’océan n’est plus très loin.

C’est toujours un instant unique celui où les yeux quittent la barre de sable pour découvrir l’horizon et ses reflets verts changeants. On sait où l’on va, on ne sait pas comment il sera aujourd’hui, ce chenapan d’océan, tantôt bas, tantôt haut, tantôt plat, tantôt fougueux, tantôt vert infini, tantôt chargé de sables, tantôt transpirant d’écume, tantôt gris de froid. Il est des matins où l’œil embrasse la côte jusqu’en distinguer très nettement les reliefs des sommets en des sommes de détails. Ce matin par contre, tout est fantomatique, les brumes océanes gomment tous les reliefs jusqu’au plus basiques. Exit les dunes, exit l’entrée du port, exit les blockhaus avachis, même les vagues semblent sortir de nulle part. Pourtant, il suffit d’un sourire du soleil pour que se déchirent en un presque clin d’œil ces chapelets de nuages venus voir de beaucoup trop près la majesté de l’océan. Encore un de ces moments uniques qu’il est bon de voir et de vivre…          

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'impression d'y être...
Merci

Natacha