Il était une fois, quelque
part entre les grains de sable d’une plage océane, ou bien encore entre les
sommets de ces jolies montagnes qui dessinent la frontière entre Espagne et France,
un vieux sage ou plutôt un vieux pris pour un sage dont chacun ignorait l’existence
jusqu’à ce que le besoin de consulter ce vieil ermite se fasse raison plus que
loi. Qu’importe l’oubli dont il fait preuve, l’important est de s’en aller
consulter, soutirer quelques pensées, peut-être même chiper quelques clés
lorsque la lumière s’éteint sur une vie jusque-là trop prenante. Un peu comme
on passe devant un stand de foire pour soudain s’y arrêter, la lumière grise
incite à pousser la porte menant à ce soutien soudainement devenu utile.
Toujours disponible puisque solitaire, toujours conciliant puisque aimant,
toujours sage puisque l’écoute se fait en mode désemparé, pourtant, qui
était-il vraiment, ça, personne ne l’a jamais su. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il
vit ici, entre deux mondes, entre deux brin d’herbes chatouillés par les vents
des sommets, entre deux coquillages sur cette plage déserte, invisible parce qu’on
ne voit qu’avec le cœur et que le cœur ne voit jamais tel qu’il devrait voir
mais plutôt par besoin de voir. Patatras ! Sans amour, le regard ne perce
pas, la volonté n’est pas, l’avancée ne peut être. Aimer est une des clés pour
vivre, la première personne à aimer est et sera toujours soi, car sans amour de
soi, point d’envie de se mettre en avant, de se faire confiance, et sans se
faire confiance, le regard en eut s’élever et élever l’âme. Alors les yeux
fouillent le sol, cherchent entre les grains de sables, entre les pierres d’un sentier
et dès lors ne peuvent trouver que le vieux sage sans âge qui se partage entre
les mondes, qui soigne et guérit, qui apaise, parle et apporte des mots sur les
maux, ceux des autres, sans que jamais personne ne s’attarde sur ces maux, si
tant est qu’il en eut.
Un jour pourtant, ou
peut-être une nuit, entre vents et marées, entre sable et pierre, nul ne sait
où il s’est enfui, il fallait se rendre à l’évidence, il n’était plus. Disparu.
Les âmes en peine avaient beau faire les cents pas, tout le long des crêtes,
tout au long des dunes, elles avaient beau envoyer des messages, bouteilles à
la mer, ruban de prière aux vents légers, nulle réponse ne vint plus, nulle
sagesse n’apaisa plus les maux. Le vide, le froid, l’effroi d’être ainsi lâchées
seules face aux vents mauvais, des paroles mauvaises vers le vieux fou sans
savoir s’il était parti à jamais, si ses maux l’avaient emporté. Il est plus
facile de puiser à la source des réconforts que de donner de son temps pour l’entretenir.
Petit à petit, les âmes en peine ont cherché d’autres sources, d’autres
réconforts, sans jamais réalisé le sens unique de la chose, ni même que les
clés ne sont jamais cachées qu’au fond des coffres qu’elles ouvrent. Petit à
petit, les âmes en peine ont perdu la mémoire du vieux sage qui courait dans
les vagues et nageait aux sommets, il n’est pas facile de s’être trompé. Petit
à petit, l’oubli a remplacé l’oubli, et seuls les vents qui voyagent des
montagnes sauvages aux gerbes d’écumes des rouleaux océaniques viennent
caresser les cheveux blancs d’un vieux dément perdu au milieu des pas perdus, un
ermite errant libre et mesurant combien il est important pour chacun de trouver
son propre chemin, ses propres clés.
Ainsi s’enfuient les
vents, les vagues, les peines, les maux, ainsi s’enfuit l’homme solitaire,
laissé et délaissé parmi ses éléments chéris. Nul n’est jamais prophète en son
pays, encore moins dans celui des autres.
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