Provence

Long week-end pluvieux pour randonner en Provence, c’est ainsi. Quelle chance ! Là où tout le monde parle de la Provence, de son soleil écrasant, ses cigales nombreuses et bruyantes, nous n’avons eu que pluies, orages, vents et alerte orange. De quoi sortir de l’ordinaire de ces photos saturées de lumière, le ciel riche de ses nuances de gris nous à offert les couleurs vraies de la vraie nature. Randonnées parapluies mais randonnées quand même ! Ce n’est pas la pluie du matin qui arrête le pèlerin, ni même celle du soir, espoir d’une purge céleste qui offrirait un beau ciel bleu, non, l’humidité de l’air renforçait les senteurs de cette luxuriante végétation, où, plante après plante, les noms fusent de neurone en neurone, quand ce n’est pas l’appareil photo qui immortalise la belle pour dès le soir, au retour au camp de base, sortir les manuels précieux et trouver le nom de cette offrande aux yeux. Nature, belle et rebelle, cultivé ou sauvage, il y a toujours matière à apprendre, à découvrir, à remarquer combien le sol, le climat parvient à accentuer les couleurs, les parfums d’un plante pourtant connue en d’autres terroirs. L’occasion de voir aussi, le temps d’une éclaircie, le vol des papillons en quête des essences de vie, la course lente d’un orvet venu cueillir un peu de chaleur sur le sentier pierreux, les vergers aux dimensions humaines de cerisiers encore couvert de ces rubis éclatant sous les perles de pluie, les grands sillons de vert argenté aux éclairs de ce bleu lavande, quel autre nom pourrait-on donner, même si ce n’est là que du lavandin? Des champs labourées, d’autres récemment plantés de jeunes pied, rotation des cultures, vieillissement des plantes qui deviennent du coup moins productives, et puis bien sûr, des vignes, ces cultures familières au regard qui toujours me font dire que nous sommes-là en pays civilisé, humour de l’amateur de vins mais pas devin, le regard le soir rivé sur l’écran à lire les bons auspices pour les lendemains, espérant le jaune symbolique d’enfin un peu plus de chaleur et surtout de temps sec, mais hélas non, le temps ne fit rien à nos affaires, à part les mouiller un peu plus chaque jour.

Une première pause provençale, une prise de connaissance, de repères pour y revenir et goûter aux joies solaires, c’est sûr. Des trésors d’architectures, de natures, de couleurs, comme ces gisements d’ocre qui savent vous faire glisser du blanc d’albâtre au jaune provençal puis vibrer en rouge puissant délicatement veiné de fer oxydé le tout relevé de nuance de vert sur la grande palette du tendre au foncé, sans oublier les verts métalliques des lavandes sauvages ou bien encore des amandiers, l’œil embrasse avant de s’embraser, les nuages clairs et foncés venant jouer sur l’éclairage pour mieux révéler combien une couleur est en fait un bouquet de couleurs qui ne demande qu’à scintiller. Roussillon, dressé sur ses rochers d’ocres, façades colorés, rues pentues, calades patiemment construites, balcons sur des à-pics de teintes variées, c’est là un des charmes de la Provence auxquels j’espérai, sans en imaginer la puissance, la violence des teintes, le dépaysement en si peu de distance. Pas très loin, Gordes parait plus austère, plus minéral, moins coloré, moins fantasque mais non dénué d’intérêt. Bien sûr, il y a là les marchands du temple, les kilos d’herbes dites de Provence quand bien-même elles poussèrent en province de Sichuan, les céramiques aux provenances mondiales et les différents élixir qui fleurent bon le pays aux sons des noms calligraphiés sur les flacons. Economie parallèle, il faut offrir aux touristes ce qu’il y cherche : de quoi ramener et se souvenir, choix multiples de souvenirs.

Souvenir ? Une randonnée, une vraie, à gravir les pentes du massif du Lubéron, un repas pris en lisière de bois sous un pale soleil quant soudain les nuages viennent nous encercler, nous envelopper et disparaitre dans les vallées aux vrombissements d’un tambour céleste dont les zébrures électriques déchirent l’espace pour s’en gagner les enfers et nous faire regagner l’abri du bus et non l’abribus. Une piste qui glisse entre les arbres avant de gravir le relief, une sonorité que je reconnais entre mille, ce brave flat-twin mou en bon français de France, ce moteur à deux cylindres à plat, une belle 2CV noire vient à notre rencontre, et son propriétaire nous raconte ses paysages, le secret de ses petits sentiers qui nous ramènent vers Auribeau. Discussions aux accents chantants et bien sûr discussion autour de passions commune, randonnées et 2CV, un clin d’œil comme on aime en recevoir. Voilà, ce qu’il advint d’un week-end qui aurait pu passer pour désastreux mais si souvent le verre est à moitié vide, il n’est jamais qu’à moitié plein, et dans ce demi plein, dans cette coupe à porter aux lèvres, ce trouve le nectar de nos vies, faisons en sorte de s’en régaler plutôt que de regretter la partie manquante. Rien n’est jamais manquant si on sait mesurer la richesse de ce que l’on a, plutôt que de focaliser sur ce qu’on n’a pas. La Provence sous l’eau, c’est un cadeau offert, celui de chercher la richesse au lieu de la cueillir trop facilement, celui de mesurer combien les paysages sont forts, les hommes riches. Tout cela ne peut que donner l’envie d’y revenir et d’encore parcourir en d’autres lumières ces joyaux découverts.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Que de bons souvenirs, et j'y retourne bientôt prendre un bol d'air de romarin, merci de me rappeler combien j'ai aimé cette région d'adoption et je regrette encore de l'avoir quittée.

Le diablotin