Feux d'été ou été de feu?

C’est dans le feu des premiers jours de l’été qu’est arrivé juillet. Juillet, septième mois, celui des vacances pour certains, celui qui les prépare pour d’autres, l’été et son cortège d’absences brille déjà et chauffe bien trop pour sembler être honnête. Trop chaud, trop tôt, trop rapidement, trop d’un seul coup…. Comme une belle histoire qui démarre sur les chapeaux de roues, voilà que ce temps beau et chaud nous semble soudain trop beau et trop chaud…. Sommes-nous donc des éternels insatisfaits ou des douteurs chroniques ? A croire que de ne pas avoir vécu pareille chaleur, incite à douter de la vivre. La chaleur du soleil contre la chaleur du cœur, ou plutôt comme la chaleur du cœur…. Douter pour douter ne sert pourtant à rien. Chercher le doute même lorsqu’il n’est pas permis revient à refuser de profiter de la vie, du bonheur, des joies simples, passer le plus clair de son temps à cogiter contre plutôt qu’à cogiter pour, voire même, à se laisser porter plutôt par le courant, laisser dériver sa barque, sur les flots d’une mer d’huile, fragile esquif aux regards de l’immensité des océans, point quasi imperceptible dans le faisceau du phare ami. Qu’importe les flots, les remous sont faits pour s’aguerrir, le calme revient toujours après la tempête, le moment des discussions après la trêve, et ce sont rarement stériles discussions, mais plutôt, analyses à chaud et bases essentielles de la relation vraie. Discussions, étymologiquement parlant, cela nécessite d’être deux, qui plus est, de dialoguer, donc d’échanger, de construire déjà le dialogue, d’ouvrir les débats, d’apprendre à écouter et parler à bon escient. Exercice difficile ? Peut-être bien dans son démarrage, mais, une fois la connexion établie, pour peu qu’on ait le bonheur infini de croiser les mots avec une personne digne de débattre, c’est à dire, sachant écouter, sachant construire la conversation tout comme la vie après, il devient soudain plaisant, réconfortant même, et limite envoutant, de débattre et débattre. Je n’irai pas jusqu’à dire que la tempête est nécessaire pour initier la discussion, non, une tempête entraine toujours des vents trop violents, et provoque toujours des dommages collatéraux sous-estimés mais pas sous-estimables. Je pense plutôt que dès lors que l’existence du parler vrai est détectée, il convient d’en mesurer la puissance, d’en reconnaître la chance et d’en user sans limite, il est si rare de pouvoir discuter, avancer, écouter et analyser ensemble sans jugement, sans être ni juge, ni jugé, avec cette même vision vers ce même horizon, comme ce phare qui projette sans fin sa lumière vers les horizons les plus reculés, les plus sombres.

Antoine de Saint Exupery a commis cette belle phrase : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction » Je mesure désormais le pouvoir des ces mots alignés. Ne pas s’appesantir à observer l’autre, traquer le défaut qui fera ricocher le moindre prétexte à blessure, mais cueillir dans l’autre la vision qu’on n’osait pas voir, ou même, qu’on ne s’accordait pas à voir. Cela ne veut pas dire disparaître dans le regard de l’autre, non, bien au contraire, cela veut dire, superposer son regard à celui de l’autre, et comme dans les stéréoscopes de notre enfance, vous savez ces espèces de visionneuses magiques où l’on faisait défiler des cartes perforées contenant des vues touristiques ou extraites de dessins animés. Les deux images de la même vue, savamment superposées par le jeu des lentilles placées face à chaque œil, nous donnaient à voir une vue en relief. Et bien, c’est exactement cela la vision d’aimer : Les deux regards ainsi unis donnent le relief à la vie, aux projets qui s’inscrivent dans la longue généalogie du temps. Aujourd’hui, ce soir, demain, après-demain, et les lendemains des lendemains…. Trop de couples perdent leurs temps à se regarder, à se positionner l’un en miroir de l‘autre, peu de couples aiment à être ensemble, côte à côte, ouvert vers le même infini. Une table en terrasse, support et non un obstacle entre les deux, un regard à quatre yeux qui contemple et raconte ce qu’il voit, dans la même unité, la même douceur, la même tendresse, c’est si rassurant, si constructif que d’un seul coup les choses paraissent bien faciles et tellement évidentes. Joli slam, monsieur Fabien, alias Grand Corps Malade, que cette pureté de tendresse et de naïveté, ce texte si facile et tellement bouleversant, « comme une évidence » pouvait-il être un autre titre à ce qui semble si évident ? Comment arriver encore à écrire ces choses-là, si simple, si complices, si évidentes, après tellement d’émotions traduites par des mots pourtant usés de leur usage quotidien ?

Les mots brisent les maux, les discussions brisent les tempêtes. Mieux vaut s’en servir en usage quotidien plutôt que d’essayer d’aller panser les plaies aux lendemains d’une catastrophe. Les mots pour panser les maux, les mots et les pensées contre les maux, contre même et surtout l’apparition des maux. Les maux anciens se sont effacés, pourquoi perdre du temps et faire l’erreur de chercher à les remplacer ? Bien au contraire, quand on la chance et le bonheur de partager l’émoi et de trouver la puissance de la discussion, c’est encore un bonheur à rajouter à la ronde des bonheurs déjà partagés… Tout cela dans le feu de ce début d’été, de ce premier jour de juillet…. Mer d’huile et huile solaire, peaux bronzées et dorées, teint mat et tomates, vive l’été !

Aucun commentaire: