Une autre histoire

Ça fait déjà quelques années que je connais Pierre. Pierre ? Oui, oui, c’est bien Pierre qu’il s’appelle… Ou bien Jean-Pierre ? Ah oui ! C’est ça ! Jean-Pierre. En tout cas, Jean-Pierre était marié depuis de longues années lorsque je l’ai rencontré. C’est un sacré personnage en tout cas ce Jean-Paul. Jean-Paul ? Hum, non, des Jean-Paul, j’en ai connu, plusieurs même, et même un champion du monde, mais lui, non, ce n’est pas Jean-Paul, c’est bien Jean-Pierre. Ce Jean-Pierre donc habitait en banlieue un petit pavillon, près de la gare, d’allure assez cossue au point qu’entre nous, nous l’appelions le château d’Henri. Henri ! Ça y est, ça me revient, il s’appelait Henri ce fameux Jean-Pierre, à moins que ça ne soit l’inverse ? Mais non, le château d’Henri tout de même, c’est aussi célèbre que le bar à Tain, du moins dans ma mémoire. Donc Henri habitait en banlieue avec son épouse, ce charmant pavillon que nous appelions familièrement entre nous, le château d’Henri. Je m’y rendais assez fréquemment, souvent en train d’ailleurs, car les trains ont la politesse de passer en gare de banlieue comme en gare de ville et même que certains se donnaient la peine de s’arrêter en celle toute proche du domicile de mes amis. J’allais donc à pied jusqu’au château du roi René…. René ! Ça y est, je le tiens ! Le bougre a failli perdre son prénom dans l’histoire…. Oh, ce n’était pas un mauvais bougre, non, bien au contraire, un de ces personnages de banlieue, à la gouaille épaisse, au verbe haut et à l’épouse inconstante, vivant en sa demeure comme roi en son château. D’ailleurs, il aimait bien rappeler à la cour de ses visiteurs, qu’il était de bon ton d’être réunis autour du roi Louis. Louis ! Ah oui, voilà, Louis c’est bien lui, ou, lui c’est Louis. Je me rappelle très bien désormais, le modeste escalier aux lions de pierre montant la garde, les pots de fleurs aux rameaux desséchés et tombant depuis le décès de son épouse… Ah oui, c’est vrai, son épouse avait poussé l’inconstance jusqu’à partir dans une nuit noire sans lune, d’une pneumonie. Pauvre homme au chagrin inconsolable, Louis nous avait réunis, ses quelques amis, pour traverser avec lui cette douloureuse période de la séparation des corps, mais aussi de quelques affaires et mobiliers. Louis en effet, profita de cette liberté trouvée pour mettre à profit des velléités tant étouffées par le courroux maternel. Sa vieille mère n’étant plus de ce monde, du moins dans une phase active, il comptait bien se débarrasser de tous ces objets entassés, ses rideaux, ses brocards, toutes ces breloques étouffantes qui tapissaient les murs jusqu’au grenier. Ah oui ! Louis n’était point marié, mais vivait avec sa mère. Nous étions trois à l’entourer de notre mieux. Il y avait Albert, un charmant monsieur, manquant un peu de conversation, non par les idées, mais par l’écoute dont il ne disposait plus, faute à un fort durcissement de l’oreille. Un homme d’un autre temps, dans un monde surréaliste, venu presque à l’improviste, il s’associa au chagrin de Louis et ne pu se résigner à en partir. Marthe était notre quatrième car, tels les trois mousquetaires, nous étions quatre. Marthe était la voisine de la maman de Louis. Une femme d’un certain âge, ou d’un âge certain, éprise de son veuvage au point de rester vieille fille après un court passé de jeune fille… On aurait même pu dire, jeune fille au pair, vu qu’elle habitait au numéro deux de la rue de la gare. Elle connaissait Louis depuis toujours, au point de le surnommer familièrement Théo, ne goutant que fort peu au prénom de Théophraste. Théophraste ? Mais oui, ce brave Théophraste ! Et moi qui l’appelait Louis ! Décidément, ma mémoire me joue des tours, pourtant je me souviens très bien de l’histoire, des lieux et des personnages, surtout de cette mémorable journée ou feu sa mère quitta le foyer. Je me souviens de ces impossibles discussions qui nous auraient tenues en éveil si l’un n’était sourd et l’autre trop occupée à pleurer pendant que Théophraste décrochait les ornements et empilait la vaisselle sur les marches du perron. Il est des fois tout de même, où on se demande ce qu’on vient faire en banlieue, dans des villes qu’on ne connaît pas et chez des gens qui changent sans arrêt de prénoms au point d’y perdre l’auditoire. Même une mère n’y retrouverait pas ses petits, quand bien même il fut fils unique ! Avouez tout de même, que voilà une drôle d’histoire ! Sacré Roland ! Mais oui, c’est ça, c’est bien Roland ! Roland… tiens, je me demande s’il n’avait pas une sœur…. Rue de la gare dites-vous ? Oui oui oui, cela me dit quelque chose, une jolie jeune fille que j’ai bien connue…. Je me demande si elle avait un frère d’ailleurs ? Enfin, tout ça c’est une autre histoire…..

1 commentaire:

Anonyme a dit…

que de prénoms, d'histoire pour l'histoire de la vie d'une vie la notre et celle de chacun d'entre nous


bizz

la grenouille