Murir n'est pas mourir

Mon corps et moi avons vieilli ensemble, mais lui, plus vite que moi. Moi, j’ai vieilli bien plus tard, d’ailleurs en langage humain, on ne dit pas vieillir mais murir. Il y a des raccourcis qu’on aime à ne pas prendre, comme celui qui soudain vous transporte de l’immortalité vers la mortalité par exemple. Ce passage délicat où l’on réalise soudain que notre fin est programmée, qu’il convient d’en mesurer les conséquences et d’en tirer les bilans. Comme il est étrange de parler de bilan ! Tout arrive un jour, anodine piqûre de rappel, petites fioles aux reflets rubis qui s’en vont jouer aux transformations, passer de l’était liquide à l’état solide et pourtant impalpable de chiffres codifiés bien rangés en ordre pas si dispersé sur des feuilles vertes. Analyse automatique d’un morceau de vie pour en traduire la suite. Loin des oracles du passé lisant dans les entrailles des poulets comme dans le sang de jeunes vierges les clés d’un futur, quelques gouttes de ce liquide coulant dans nos veines suffisent à traduire l’état actuel et en déduire un devenir. Quel devenir ? Et bien voilà, l'homme de la faculté a parlé, de sa voix rassurante et tranquille, résultats de ses vérifications toutes aussi tranquilles, de la lecture de ces chiffres alignés sur un bout de papier, des nombres sans conséquences qui sont pourtant de conséquence, traces de résidus d'un dérèglement non point climatique, mais presque automatique. Prise de conscience. Une de plus. Je n’ai pas peur de mourir, pas plus que de vieillir, pas plus que de grandir, ni de vivre. Aucun souci même si l’insouciance des jeunes années ou tout semble offert ou acquis pour de très longues années est quelque peu écornée. Les exemples autour montrent qu’à tout moment, tout peut s’arrêter. Soit ! Mais ce n’est pas raison suffisante pour s’arrêter et attendre l’arrêt. Simplement, l’occasion de réaliser combien aujourd’hui est beau, de ne pas reporter à demain les belles choses à faire dès aujourd’hui, de pas s’encombrer d’un passé sur lequel nous n’avons plus de prise, de le laisser s’enfoncer et disparaître dans les méandres de l’oubli, sans lui laisser de prise sur nous. Vivre aujourd’hui, c’est construire aussi demain, projection vers l’avant, parcours enrichissant si l’on sait tirer de chaque jour les bontés accordées, qu’elles soient ou non déguisées en adversité. Certains ont peur de vieillir. Ce n’est pas mon cas, loin de là. Avoir peur de vieillir c’est projeter sa vie actuelle dans demain, avec au mieux comme progression, la stabilité désolante qui traduit quasiment la régression. Pour qui sait évoluer au présent, il n’y a pas de place pour la peur du futur, ni même pour de futures peurs. D’ailleurs, pourquoi avoir peur ? De quoi avoir peur si ce n’est de nos propres peurs ? Aujourd’hui, bien plus qu’hier, je vis et respire. Aujourd’hui, bien moins que demain, je vis et je profite de la vie. Je me fous du parcours accompli, ce qui compte c’est ce jour, et après ce jour, viendra demain, ce demain qui sera un autre jour. Des alertes ? Oui, il y a. Et bien, ce ne sont là que des alertes, des petits voyants qui clignotent et vous disent si vous êtes un peu trop ici plutôt que là, un peu trop là plutôt qu’ici. Et si demain tout s’arrêtait ? Et bien, ça s’arrêtera et puis c’est tout. Je serai déjà satisfait du chemin fait jusque là, des étapes franchies, digérées et muries, et surtout, d’avoir connu les lendemains de ces étapes-là. Y être resté aurait été mortel et décevant. Parcours non sans faute, parcours initiatique sur bien des plans et des errements, peuplé de rencontres, belles, toujours très belles, toujours enrichissantes, toujours plaisantes, de belles amitiés sont nées, des fortes complicités aussi, c’est toujours assez amusant de voir évoluer les relations….

Et non, il ne fume pas, il ne boit pas, aucune chimie ne vient provoquer l’euphorie et empêcher les sentiments d’être réellement ressentis. Cent pour cent pur jus, résultat de la longue traversée des années, en s’enrichissant au passage des cette matière offerte, ces échanges, ces partages, analyses et enseignements, toujours. Sourire aux lèvres, la coupe pleine de belle énergie, merci la vie ! Avoir la pêche, afficher la banane, garder la patate, ne pas tomber dans les pommes, et savoir qu’on ne compte jamais pour des prunes, joli mélange nécessaire à la vie. A quoi bon rajouter des substances moins naturelles dans pareil régime ? Le soleil est là, dedans comme dehors, ça bouge, toujours dans le bon sens, et bientôt nous verrons cela encore mieux…. Maturité. Oui. Murir n’est pas mourir, n’en déplaise aux grincheux. De même que la maturité n’engendre pas la tristesse, loin de là, où alors, il s’agit de cas désespéré ce qui existe, hélas, dans notre chère société…. Un sourire offert à plus de chance d’avoir réponse que figure allongée, mais il est encore bien plus riche et bien plus rayonnant lorsqu’il prend ses racines au fond de l’âme, bien chevillé au corps. Souriez à la vie, elle en vaut vraiment la peine !

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