Les joies des ponts

Encore un week-end prolongé, encore une randonnée d’effectuée, les semaines se suivent mais ne se ressemblent pas tant que cela. Si le rythme est le même, les parcours sont différents, d’ailleurs, à quoi servirait de reproduire les mêmes choses ? L’intérêt nait des différences, même s’il faut des points communs pour amorcer les événements. La météo maussade engendrant le doute, la neige en abondance de cet hiver à la longueur démesurée nous ont fait douter, pauvres organisateurs de balades, au point de penser aller se dégourdir les chaussures dans ce merveilleux terrain de jeu qu’est l’Alaric, surtout en cette période où la flore abonde, rajoutant de l’attrait à ces paysages sachant harmonieusement mêler minéral et végétal, roches sculptées par les éléments et maquis odorant et surprenant. Un bon coup de chaleur, une vision idéaliste d’un régional de l’étape, surenchérit par un bulletin météorologique annonçant plus de courroux célestes sur nos chers bénitiers, et voilà la décision prise le matin même du départ de s’en aller gravir le Cagire en lieu et place de l’Alaric. Cap au sud donc, plutôt qu’à l’est, sous un ciel de chagrin et ses larmes fines tombant régulièrement sur notre itinéraire. Deux bus, près de soixante dix personnes, revoilà les randonnées hautes en couleurs, avec, comme dans toutes représentations miniature de la société, une palette riche en spécimen des espèces en libre circulation sur la planète. Des visages nouveaux, des personnages nouveaux, rapidement cernés et fortement cernables, des comportements moins compatibles avec les fonctionnements de groupes, à froid, dès le matin, la journée s’annonce plaisante. Aucun goût du défi là-dedans, juste le côté sociologue en phase d’observation qui prend le dessus et s’amuse de ces impressions cueillies à froid dans ce matin gris et humide. Une pause déstructurée sur une aire d’autoroute déshumanisée, et la route se poursuit sur les routes de notre beau département, longeant notre fleuve sacré, gonflant son dos par les pluies et les neiges accumulées, un pont et voilà que la route s’élève au cœur des montagnes, belles Pyrénées aux paysages particuliers et toujours attirants, au point de traverser la couche de nuages qui protègent les vallées des rayons solaires. Encore quelques tours de roues et nous atteignons ce col bien connu des cyclistes comme de nos mollets de randonneurs à pied ou en raquettes, tant nous avons fait depuis ce lieu de balades en tout genre. Col de Mente. 1349m, au soleil ! Arrêt des bus, on chausse, on se regroupe et on marche. Une nouvelle fois à guider le deuxième groupe, du moins à le clore, serre file ou plutôt serre fille dans notre langage du club. Une nouvelle fois formateur, à indiquer aux nouveaux encadrants, l’art délicat de la petite aiguille rouge à faire rentrer dans la maison du nord, histoire d’aller mesurer le cap de tel ou tel sommet, la direction du chemin et l’endroit précis du refuge près duquel nous devons passer.

Chemin faisant, au hasard des distorsions provoquées par le rythme différent des différents marcheurs, la fatigue aidant, les caractères se révèlent, dans des vérités émises, parfois fort personnelles, mais trop peu souvent ayant eu le temps de faire les fameux sept tours dans la bouche avant d’être vociférées. Calme et zenitude, sont les meilleures armes à brandir dans toutes les situations. A la fois bouclier et lame effilée, la violence verbale se perd dans la non atteinte de l’agressivité mais au contraire, se fond dans le buvard épongeant les propos limite fielleux. L’occasion aussi, d’expliquer cela aux nouveaux, savoir-être et savoir-faire, ne pas tomber dans ces pièges-là car on ne s’en sort jamais. Répondre du tact au tact, sans besoin d’élever la voix, la voie s’élevant bien assez comme cela, désamorcer les bombes prêtes à exploser, qui exploseront de toute façon tôt ou tard, mais cela se fera dans l’intimité du personnage, sans dommages collatéraux. Et oui, au fur et à mesure du chemin parcouru, on apprend…. A condition de faire le chemin et de vouloir apprendre à en gérer les embuches, ce qui est encore une autre randonnée bien plus complexe et enrichissante de la vie. Mais revenons à nos moutons, enfin, à nous randonneurs, dont nous sommes en quelque sorte les bergers, veillant aux choix des parcours, à la longueur des étapes, et au rythme de nos groupes. Heureusement que le soleil brillait pour entretenir le moral des troupes, car la neige n’avait pas tant fondu que cela et nous avons du traverser quelques plaques pour effectuer notre parcours. Après quelques heures d’effort, ponctuées de jolies fleurettes, jonquilles sauvages, gentianes printanières ou autres beautés botaniques, le sommet objectif fut atteint, et le moment de rejoindre notre lieu de ripaille, adossés à la montagne, le regard flottant sur cette mer de nuages immaculés d’ou émergeait le massif du pic du gar et pic saillant, montagnes gravies autrefois du temps de premières randonnées faites avec ce club….. Souvenirs, souvenirs…..
Quelques clichés plus tard, un petit exercice de descente de névé à la profondeur variable et à la consistance lourde d’une neige fondante est venu tester nos mollets déjà alourdis par les mètres gravis, puis retour sur la piste, interminable, une dernière montée, et enfin le col, les bus, les autres chaussures et l’abreuvoir à acide lactique aux douces saveurs de houblon…. En voiture ! Ou plutôt en bus, direction la maison et le programme de la soirée avant celui du week-end, mais ça, c’est encore une autre histoire….

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