Nature mature

Le revoici venu le temps des retrouvailles, le temps des senteurs océanes, après le long, trop long intermède de l’hiver. Retour en ces lieux enchanteurs et hautement réparateurs, retrouver ses marques, réveiller d’un long sommeil les matériels, relancer la machine, aller voir si les chemins tant empruntés portent encore l’empreinte de nos pas, surtout cette année où la tempête a soufflé, jouant des arbres comme des fétus de paille, écrasant dans la lourde chute des troncs centenaires les fragiles abris de tôles et de bois qui nous servent de logis de vacances…. Pas trop de dégâts dans notre secteur, des vues de désolation ailleurs, des ravages sans partage un peu plus loin. Fragile univers soumis aux caprices des temps, la nature ne peut que subir les colères éoliennes, les hommes ne peuvent que pleurer les conséquences des reports sans délais des travaux à effectuer. Les élagages reportés hier sont à faire dans l’urgence aujourd’hui…. Les odeurs de sciures remplacent amèrement les odeurs de résine des promenades passées. Paysages à jamais démontés, il faut désormais s’habituer à ces vastes trouées, aux clairières artificielles nouvellement créées, savoir, encore une fois, comme s’il fallait marteler les leçons de la vie, qu’hier est hier, de demain sera demain et qu’aujourd’hui est à vivre pleinement. Bien sur il est difficile de profiter de ces paysages déchiquetés pas encore nettoyés et trop blessés pour être beaux, mais c’est dans cette trouée à l’emporte-pièce que va naitre dans les jours prochains, les remplaçants des arbres défunts. Arbousiers, chênes, pins, fougères, chaque plante aura son rôle, chaque plante grandira à tour de rôle, pour former l’espace de vie de demain. Il faudra du temps, bien sûr. Certains d’entre nous ne le verrons pas, car la planète vit à un autre rythme que le notre, pauvres humains, mais elle sait renaitre de ses propres cendres, elle sait s’auto nettoyer, accélérer les pousses, repartir de plus belle dans sa vie.

Leçon de choses pour leçon de vie. Savoir s’auto-nettoyer, lâcher prise sur les événements défunts, les digérer, les effacer pour laisser renaitre une génération plus belle, plus forte, si différente qu’elle devient rapidement tellement essentielle à nos yeux qu’on en oublie les épisodes précédents, les morceaux si fragiles qui n’ont pas su résister aux tempêtes de la vie. Il faut un certain temps à l’échelle planétaire, il faut un certain temps à l’échelle humaine. On ne rebâtit pas hier sur les cendres d’hier, on laisse épurer, cicatriser avant qu’un jour soit capable d’y germer la plus belle des graines, ce qui au final deviendra la plus belle des récompenses. Parfois, le ciel est troublé, menaçant, les nuages sombres et vrombissant, mais au-dessus de tout cela, le ciel reste bleu et pur, toujours. Nos yeux sont habitués à regarder trop près, à vouloir trouver tout près, tout de suite ce qui semble briller. A notre pale reflet, tout ce qui brille n’est pas d’or, et au final, la brise légère balaye rapidement ce qui sembler être fait pour durer. Après le calme, la tempête, après la tempête, le calme et le temps de la reconstruction. Effacer, ratisser, nettoyer, préparer le terrain pour de nouveaux semis, laisser s’aérer le cœur et l’âme, y laisser pénétrer le feu de la vie, les joies des amis retrouvés, oh ! Non pas qu’ils soient partis, non, plutôt que dans notre bonheur tout neuf, on a omis d’y intégrer les anciennes joies, non pas qu’elles se soient ternies avec l’âge, mais juste que par un comportement assez triste au final, on oubli ses amitiés anciennes pour plonger dans la vie de l’autre, renier un bout de vie pour en croquer un autre, par je ne sais quelle incongruité. La soif efface souvent la raison, on en oublie de boire à petite gorgée, on en oublie trop souvent que la vie est un tout. Sagesse de la nature, les colères du vent, les déchainements des éléments ont raison des traces humaines, mais force à chaque fois la mère nature à se surpasser. Week-end de réflexion et de retrouvailles, week-end de calme à plonger son regard non pas dans le vague, mais dans les vagues, parfums iodés, bruyères commençant à éclairer des sous-bois forcés par Eole, ces traces de vies étouffant peu à peu ces traces de mort, prouvant par là-même qu’au –delà du décor, la vie reprend sur la mort, la vie toujours, reprend le dessus.

Etranges animaux sillonnant la planète, ici aujourd’hui, ailleurs demain, nous traversons des pays et des paysages, nous respirons des milliers de parfums. Nous pensons nous poser un jour, abreuvés d’un nectar se révélant le lendemain d’un goût amer, une amertume au goût tenace se prolongeant bien après l’avoir goûté. La corbeille de fruit est belle, elle renferme des jolis fruits au final forts peu à notre convenance mais qui seront ravir d’autres hères en quête de plaisirs. Ces jolis fruits ne doivent pourtant pas nous faire oublier les trésors sis à côté. Il faut simplement prendre le temps de se rincer la bouche, d’en ôter la cruelle amertume avant de croquer à nouveau la vie. Ne jamais s’arrêter aux portes de l’échec, savoir l’analyser, le mesurer, pour le dépasser, en faire non plus un échec, mais une expérience, de celles qui dressent le parcours plutôt que de faire plonger l’amère destinée. Chaque chose en son temps, la nature le sait bien, l’homme, devenu un animal trop rapide et trop pressé l’a oublié. A chacun de tirer les leçons de ce qu’il veut. A chacun de vivre sa vie selon son propre credo ou celui d’un gourou plus ou moins demi-dieu. Ma visite océane du week-end m’a montré une voie. Cette voie, je la vois que par mes propres yeux, ce de mon cerveau et ceux de ma tête. Une voie qui louvoie entre différents écueils de naufrages et de régates au long cours, une voie évoquée bien plus que dessinée, mais là est l’intérêt, celui d’avancer sur des terrains neufs plutôt que sur des passerelles trop fragilisées et qui au final, ne mènent nulle part.

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