Quel
que soit notre parcours, il est une succession d’étapes, de vies, de bouts de
vie, chacune se construisant selon les principes essentiels de nos
dissertations du temps où elles s’appelaient encore rédactions : une
introduction, un développement, une conclusion.
Passons
sur l’introduction, elle est si rapide parfois qu’on n’y prête attention qu’une
fois l’histoire achevée. Drôle de paradoxe, lire l’introduction à la fin, c’est
une forme de nostalgie, une volonté de retourner dans le temps d’avant, le
fameux « au temps pour moi » qui trahit l’envie de remonter ce diable
de temps à contre-courant. Rapide mais efficace, l’introduction a permis de
s’immiscer, de s’introduire et de glisser dans l’histoire pour y fondre de
désirs, de plaisirs, d’envies. Puis elle est partie, sur la point des traits,
elle a filé dans l’oubli, s’effaçant devant la présence du présent, ce fameux
développement, cette histoire, riche, intense, tellement belle qu’elle
nécessite toute la place, qu’elle remplit toute les cases de l’emploi du temps,
ne laissant pas de place à ces petites lueurs de temps, ces rencontres
amicales, ces pauses téléphoniques, ces verres pris, ces soirées à refaire le
monde, ces repas partagés, ces cousins vus, ces parents à accompagner, ces
loisirs simples jusqu’aux plages d’ennuis, un grand coup de balai ou plutôt, un
rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage et trace sa route. Tout
cela sans prévenir, sans qu’on y prête vraiment attention, c’est un virus qui
pénètre et se multiplie à l’envie, c’est une vie qui s’accroche dans la vie et
dévore tout sur son passage, c’est un tourbillon de moments jolis et de folies,
c’est un train qui sans cesse accélère au point qu’on ne voit plus ni les
quais, ni les gares traversés.
Mais
le mouvement perpétuel n’existe pas, et bientôt le train ralenti, il freine,
vibre se secoue de spasmes, de cris, de douleurs, l’ivresse des premiers
moments, les griseries de la vitesse ont fait tourner la tête et les maux sont
pour ce plus tard qui aujourd’hui s’en vient. Les maux ne font jamais du bien,
les mots essaient de faire du bien mais les mots peuvent-ils calmer les
maux ? D’où pourraient provenir ces mots de réconforts, puisque le vide
s’est installé, puisque toutes les cases de notre planning se sont nettoyées,
époussetées, éjectées sous la pression du grand tourbillon, mais après la
pression, c’est la dépression, inéluctablement, simple équilibre physique. Les
cases brillent comme des sous neufs sans porte-monnaie, comme des vases soudain
devenus trop vides, comme des étoiles perdues dans un ciel trop grand une fois
les nuages partis. Mais où sont les mots de réconforts ? Dans ces livres
qu’on peine à ouvrir, dans ces textes courts, ces phrases en citation qui
incitent à réfléchir, à fléchir vers soi, à mesurer et à se mesurer sur sa
propre échelle, désormais seul repaire dans ce train arrêté. Bizarre, mais il
semble que la conclusion n’est pas été annoncée. Normal, c’est là qu’il faut
conclure, ouvrir cet espace de temps pour y glisser ces belles plages et ces
douces pages, peu importe la méthode, le tri et le rangement, le tout est que
tout y rentre, que tout y contienne car la conclusion c’est le ruban adhésif
qui s’en vient clore ce carton avant de le ranger sur l’étagère du passé. Bien
sûr, les pages sont des anges qui parfois s’en viennent titiller notre esprit
en souvenirs, elles viennent par-dessous, elles soulèvent le couvercle et c’est
à ce moment-là que le ruban de la conclusion doit être suffisamment fort pour
ne pas empêcher le présent d’être présent, pour ne pas croire qu’hier est mort par notre seule faute. La conclusion
n’est qu’un prélude à la future quiétude, elle s’écrit à quatre mains. On clôt
en fermant les quatre côtés du carton, et si demain l’autre protagoniste devenu
autre respire un nouveau présent, cela ne dévalue nullement notre présent,
encore une fois, c’est une association qui a cessé par incompatibilité entre
deux êtres à un moment donné, pas par la faute de l’un, ni de l’autre et chaque
autre a droit de respirer les fleurs d’un autre présent juste parce que
l’incompatibilité des uns ne fait l’incompatibilité des autres.
Petit
à petit, l’emploi du temps désormais exposé au grand air s’oxyde et se rempli
de choses anodines d’abord, de rendez-vous auxquels on n’avait pas accordé
d’importance, aux soins du corps, aux soins de l’âme, puis le vieux calepin
sort de sa quarantaine, les numéros tracés rappellent notre vie, nos histoires
et ces numéros quelques fois aboutissent encore après quelques hésitations à
des discussions, et de ces discussions naissent des mots, des mots qui
écoutent, des mots qui se taisent, des mots qui comprennent, des mots qui
soignent. Oui, les mots soignent les maux. A jamais.
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