Encore quelques jours...

Encore quelques jours, encore quelques heures et revoilà le temps de l’enfance, ses odeurs de résine et de cire, ses douceurs de parfums chocolats et pâtissiers, ses sourires et ses peurs de n’avoir pas les cadeaux demandés. Souvenirs d’enfance encore plus titillés par cette période magique et tragique de Noël. Magique, car elle réunit les familles et provoque au moins le questionnement de ce que peut être la famille, de ce qu’elle est devenue au fil du temps. Tragique, parce que c’est la mort d’innombrables dindes et autres espèces animales, végétales, légumes, fruits et autres sapins, polluante aussi par les paquets cadeaux, les papiers déchirés, les cartons encombrants, les bouteilles vidées, non, quand même, soyons sérieux, je ne tombe pas dans la paranoïa verte des écolos en manque de vitrine, mais la débauche cumulée sur cette courte période mérite au moins le sourire avant la prise de conscience. Tragique, parce que chacun n’est pas identique devant l’équation sacrée de l’offre et de la demande, tragique parce que certains resteront isolés, pas par choix, ou plutôt, pas par le leur.

Au fil des ans, Noël est devenu moins enthousiasment. Selon la belle sinusoïde qui animait mes cours de physiques ou encore traçait les biorythmes de ces temps ou cela était à la mode, il y a eu le pic de l’enthousiasme au cours des années d’enfance, dans cette belle insouciance qui ferme nos yeux aux réalités du temps et ouvre le cœur à l’émerveillement, puis le début d’une lente agonie ou plutôt, l’inversion des tendances, le cœur se serre et se ferme, le regard se pose sur le monde, et les joies s’estompent. Puis il y a les enfants qui viennent nous succéder, et pour eux on se remet à rêver, à jouer les faiseurs de rêves, à se tromper soi-même aux couleurs des guirlandes scintillantes jusqu’à ce qu’à leur tour, les enfants grandissent, la magie disparait dans des billets glissés au fond d’une enveloppe, les cadeaux deviennent monétaires et cherchent une valeur que l’affectif y perd. Noël. Hier la neige était espérée, aujourd’hui la voila maudite. Pas d’états d’âme, juste un retour de larmes, les yeux s’embuent lorsqu’on songe à hier, qu’ils soient des hier de joies et d’insouciance ou des hier de frissons dans le dos. Le temps glisse, 2010 se meurt à petit feu, celui des flambées, celui des frimas, celui des mémoires, celui des jours passés et des leçons apprises. Sommes-nous devenus des enfants trop gâtés pour avoir aussi mal à jouir des joies de l’instant ? Sommes-nous si avides de plaisirs qu’à peine assouvis on se désintéresse ? Amère destinée qui nous ballote dans les flots de nos vies, mais la barre nous appartient, alors prenons-la et tenons bon fasse aux aléas, et même si la répétition des étapes du calendrier s’enchaine, sachons réaliser qu’elles pourraient ne pas se répéter, et le mot fin s’inscrire sans qu’on ne puisse plus le lire ni le dire. Vivre n’est pas attendre de mourir, vivre c’est gouter aux joies que distille en secret chaque minutes égrenées, dans le bonheur d’apprendre, dans la richesse de partager, dans le plaisir d’échanger, sans se mesurer au temps qui passe, juste apprendre à manœuvrer notre barque, savoir se donner à ce qu’on fait, préférer offrir du concret que quelques billets, imaginer ce qui plaira plutôt que d’attendre la lettre au Père Noël. Que n’avons-nous écrit, découpé dans ces catalogues qui remplissaient les boites aux lettres, que n’avons-nous rêver devant tel ou tel jouet, et bien, rêvons maintenant devant ce qui saura faire plaisir, offrons-nous car c’est là le plus beau des cadeaux, une parcelle de soi à bien plus de valeur qu’un carrée de soie, ce don de soi c’est un lien tissé autour des liens déjà tissés, non pas un point de croix, plutôt un point noué, celui qui solidifie et enrichit, ce petit plus qui fait qu’on a su se creuser la tête pour trouver cela.

Encore quelques heures et des rues vides, non, pas celles des boutiques ni des marchands du temple, non, celles de nos quartiers, aux poubelles encore vides, sorte de diète avant l’orgie de papier. Les passants qui battent le pavé de ma cité pressent le pas sans se regarder, le regard vide quand il n’est pas rivé à ces morceaux de technologie qui établissent des liens de communications en coupant les principaux, ceux du réel. « de quelle couleur la cravate ? », « qu’est ce que tu veux ? » « qu’est ce que tu m’as dit ? » ….mais comment faisait-on avant ? Je me souviens de mes jeunes années, les vieux bus au rouge fané en rose délavé, l’accès par l’arrière, le ticket acheté au contrôleur, de ce temps ou le chauffeur ne faisait que conduire, de ce temps ou la politesse fleurait bon le bonjour, l’au-revoir, le merci et les s’il vous plait, des ces pas sur des trottoirs immenses que je dévale aujourd’hui en roller, de ma main serrée dans celle de ma mère, des ces magasins immenses ou le 4e étage recelait les mêmes trésors que ce brave vieux à barbe blanche venait déposer au pied du sapin entre mon couché et mon réveil pourtant tôt ces jours-là. La ville. Telle était le voyage sublime, on allait en ville, et c’était tout un programme. Il faut dire qu’alors, les grandes surfaces n’étaient pas légions, mais elles prenaient le temps de nous régaler, nous autres, mouflets d’une autre époque, qui salivions contre le plexiglas entourant le grand tracé de train électrique ou de circuit 24. Le paradis des enfants, et le moment magiques des soldes de début janvier, celles qui tombaient à point pour transformer nos étrennes de nouvelles ans, nos fonds d’argent de poche et autres souris en des coffrets de trains à prix dégriffés. Puerta del Sol, Capitole, Cévenol, Corail, ….coffrets d’un temps où Jouef nous attirait de ces trains magiques et autrement plus savoureux que TGV ou ICE. Je me souviens de ces rails posés sur le sol, ces fils électriques et ces déraillements, puis, tout redémonter et ranger jusqu’à la prochaine pause, nos jeux étaient visuels sans être virtuels, on rêvait de voyage, on jouait des rôles, chef de gage, chef de trains, telle voie, tel aiguillage, tel chemin…. Il n’y a pas de nostalgie, juste une retour sur cet arrière, une réalité au cœur des réalités qui peuplèrent ma vie. Voilà, il fait gris et il pleut, les lumières du quartier inondent mes nuits d’un Las Vegas de pacotille, les compteurs électriques rougissent de superflu, l’indigence est partout, l’individu se montrent, se dresse sur ses ergots électriques, le coq est notre fidèle emblème. Un signe ostentatoire adressé au voisinage et qui semble remplacer le « bonjour, comment allez-vous ? Joyeux Noël ! » d’ailleurs, si cela vous échappe, quelle incrédulité dans le regard de l’autre…. Où va donc ce monde ? Même le clergé se met à faire des campagnes de publicité pour inciter les gens à venir à la messe de minuit. Pourtant, à trop servir la même soupe, il n’est pas anormal de finir par dégouter les plus fidèles. Le temps est au spectacle, au renouveau, la peur de la routine conduit à fuir se qui nous semble routinier, encore une fois, on cherche autre chose parce qu’on ne sait plus voir ce que l’on a et qu’on ne prend plus la peine d’y cueillir l’essence du bonheur qui s’y cache pas tant que cela.

Pause, respiration et diète d’avant fêtes, la course aux cadeaux est quasi bouclée, mais que serait cette période sans cela ? Un lettre au Père Noël, un cahier neuf, un stylo bleu, bleu comme le ciel qui est toujours bleu, ce ne sont pas quelques nuages qui vont nous faire dire le contraire, bleu comme l’horizon, les pensées, bleu comme le blues n’est pas, bleu, c’est bleu et c’est la couleur première, ne dit-on pas bleu roi ?

Aucun commentaire: