Au fil des tours et des détours

Au fil des tours et des détours, l’ombre s’est faite lumière, le soleil perce à travers la brume et les paysages blancs et fades reprennent vie dans les couleurs d’un jour naissant. Combien de temps ai-je marché ? Depuis combien de temps suis-je sur la route ? Il y a si longtemps que je suis parti, il y a tellement de temps égrené depuis le premier grain de sable du grand sablier, que je ne me souviens de rien. Ou presque. Les premiers jours, on cherche son rythme, par peur de ne pas y arriver, on accélère le pas, on double les marches, on lance toute ses forces dans une bataille qui au fond est perdue d’avance, mais la victoire n’est pas celle qu’on croit, non, les plus batailles qu’on remportent sont celles qu’on mène contre soi. Que de chemin parcouru depuis tout ce temps, mais encore faut-il le voir ce chemin, et pas qu’au travers des fatigues corporelles, encore faut-il savoir regarder de temps en temps, dans notre petit rétroviseur pour mesurer le chemin accompli, une pause de quelques instants, pour réaliser l’avancée, pour intégrer la connaissance, pour se rendre compte de combien on a grandi. La route peut paraitre longue, ou courte, c’est selon, elle peut paraitre claire ou obscure, cela n’a rien à voir avec les peintres néerlandais, elle peut avoir été droite ou pleine de méandres, elle peut ne pas avoir marqué notre esprit ou au contraire, nous avoir façonné par les coups reçus, comme le métal rougit par les flammes sur l’enclume qui sait rester de marbre, c’est ce parcours atypique, propre à chacun, qui nous mène au bout et au but de notre vie. Bien sûr, il arrive souvent que nous ne savons pas où aller, que nous ne savons pas où nous allons, nous tâtonnons, nous marchons, nous avançons, même si parfois nous avons l’impression de le faire à reculons. Mais tout cela, c’est la vie. Dans ses modèles d’espoirs et de désespoirs, dans ses rires et dans ses larmes, dans ses joies et dans ses drames, dans ses tourments et dans ses victoires, nous vivons, nous aimons, nous pleurons, nous rions, et le temps ne passe pas, il avance en parallèle de nous. Le parcours est initiatique, plein d’enseignements, le piège étant qu’à trop apprendre sur les autres, parfois même sur des généalogies de rois aux noms en forme de numéro, nous oublions d’apprendre à nous connaitre, à nous apprivoiser en quelque sorte, à savoir qui nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous sommes vraiment.

A marcher sans se connaitre, l’effort n’est pas maitrisé, on se retrouve dans le rouge à cracher nos poumons, à sentir durcir nos muscles, à croire que le cœur va exploser, à se mordre les lèvres d’avoir présumé de ses forces. Pourtant, tutoyer les limites aide à les repousser. Pourtant, c’est en tombant qu’on apprend à ne plus tomber, c’est ne corrigeant ses erreurs qu’on acquiert l’expérience et qu’on trouve enfin sa voie. Il n’y a pas de course sur le chemin de la vie, pas de records à battre, certains ont des parcours plus rapides que d’autres, en sont-ils plus heureux ? La sagesse populaire dit que c’est à la fin du marché qu’on compte les œufs, comment dès lors pouvoir se comparer à d’autres sans être arrivé au terme d’une vie ? Ce qui est blanc un jour ne l’est plus le lendemain, ou plutôt, peut ne plus l’être, car il est tout de même des cas où la stabilité existe, heureusement. La marche est à son pas, le regard voit loin, la respiration est maitrisée, et le chemin se fait, jusqu’à ces rayons de lumières, jusqu’à ce que les brumes retrouvent le passé pour mieux l’engloutir. Sortie de tunnel, au revoir pour ne pas dire adieu aux épisodes d’un passé désormais dépassé, malgré la lassitude de la route, les visions d’espoir en demain illuminent la vie. Ce n’est pas tant ce que nous avons fait qui importe, mais bel et bien ce que nous en avons fait. Le passé a posé des pierres, des jalons qui ont construit notre aujourd’hui, tout comme aujourd’hui nous bâtissons demain. Le temps n’est pas une ennemi, il est un allié. On ne court pas après le temps, on le prends, rien n’est plus précieux que de savoir prendre son temps, respirer, être pour mieux être. L’oppression des jours gris a fui, le bleu du ciel se révèle enfin. Même les épreuves les plus dures ne peuvent venir assombrir une vision enjouée de lala vie. Le verre est à moitié plein, il ne reste qu’à compléter le niveau, mesurer tous les ingrédients déjà versés avant d’y unir ceux de même lignée qui ne dénatureront pas le tout mais feront du breuvage un élixir. Longtemps, il fut à moitié vide, longtemps, la peur du vide est venue empêcher l’envie de mieux le remplir, c’est désormais chose du passé, l’espoir est toujours chevillé au corps, la vie ne vacille plus qu’entre deux états de bon et de très bon, les coups bas sont trop bas pour atteindre, le regard est droit, limpide, fixé sur l’horizon, que peut-on observer de mieux que la vie qui déroule son pas lent et assurée, laissant de côté les trottoirs de la médiocrité pour ne battre que le haut du pavé.

Ce n’est pas le chemin parcouru qui compte, mais bel et bien la façon dont on la parcouru. Vivre sa vie est aussi apprendre et se souvenir des leçons distillées tout au long du chemin, il n’y a pas de règles, si ce n’est d’être en accord avec soi-même, et juger hier avec les yeux d’aujourd’hui est complètement imbécile, tout comme comparer deux époques sans références communes, ou encore les prix des choses aujourd’hui par rapport aux prix d’hier sans utiliser des francs constants. Sans référence commune, il n’y a pas comparaison possible, c’est ainsi, et c’est ainsi que navigue bien des manipulateurs. Jouer sur les cordes sensibles, appuyer sur le pathos, se faire victime, s’aligner sur les goût de l’autre, tricher et donc mentir, tout n’est qu’un piège qui tôt ou tard se révèle et se referme sur le poseur. La seule alternative, c’est d’être soi, d’être franc, d’être vrai, rien ne sert de fausser la séduction, la chute n’en serait que plus mortelle. Question de choix ? Question de respect, respect de soi avant tout, respect des autres aussi, et si on le monde s’essayait à la vérité ?

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