Que d'eau

Revoilà Mars, le mois du Dieu de la guerre, l’éveil des sens et de la nature sous le souffle du printemps. Passons sur le souffle trop fort qui a balayé bien des vies, des espoirs, des réussites, la nature commande toujours, la terre s’ébroue comme pour se débarrasser de ses parasites. Elle tremble de partout, Haïti, Chili, Japon, partout c’est image de désolation, images de ruines, de soumissions de l’homme aux caprices de la nature. Tant de choses, tant d’exemples qui devraient nous montrer que nous ne sommes rien, que nous ne sommes que temporaires ici bas, intérimaires de la vie dans un contrat dont nous ne connaissons pas la fin, tout cela devrait nous faire réfléchir au sens de nos existences sommes toutes précaires, nous aider à relativiser l’importance de nos actes, qu’ils soient manqués, vécus ou subis, nous aider à mesurer l’épaisseur du trait bien infime eut égard au grand chaos de l’univers ou plus proche de nous, aux frissons terrestres. A tout moment, tout peut disparaitre, s’effacer, ne jamais se représenter. Qui peut avoir envie de vivre dans le remords de ne pas avoir su dire je t’aime ou pardon ? Qui peut préférer la colère pour des peccadilles plutôt que la discussion qui fait avancer et aide à mesurer nos futilités ? Aime-t-on vraiment ? Réalise-t-on que tout peut s’arrêter à tout instant ? Doit-on encore croire en sa vie, ses choix, ses désirs, oublier l’autre, omettre les siens, parce qu’il est plus important de cueillir de plaisirs personnels que d’aller voir, soutenir les racines de notre généalogie ? Les racines s’épuisent, certaines disparaissent en terre, pourtant c’est grâce à elles que nous avons grandis, arbrisseaux chétifs gorgés d’amour, de sentiments, enrichis à la force et aux connaissances par tout ce faisceau de racines, familiales, amicales, nous élevant bien au-delà des folles espérances au point d’oublier qui nous sommes et d’où nous venons parfois. Nous avons toujours le temps, et nous sommes toujours pressés. Un proverbe africain dit « l’homme blanc porte une montre, mais il est toujours en retard ». Oui, nous sommes en retard, sur nos vies, sur nos retours d’amour vers ceux qui nous ont fait pousser, oui, nous mesurons ces retards, lorsque les racines s’épuisent et meurent, lorsque notre faisceau se retrouve réduit des forces principales de nos vies. L’arbre y perd des ancrages, il vacille, il tremble, il s’ébroue mais ne meurt pas, au nom d’un principe de vie qui veut que l’on survive à nos aïeux, au nom d’un principe de vie qui veut que l’on poursuive notre élévation.

Cruelle fin de février, aux images effarantes de blessures profondes, de dégâts immenses, de vies brisées. Cruelle fin de février qui voit le rempart des membres de la famille se réduire en peu de temps sous l’œuvre intraitable de la dame à la faux. Période difficile d’espoir et de doutes, devant la terreur des mots médicaux associés aux combats du crabe bien trop souverain. Période difficile de sortie d’hiver, ou les forces ne sont pas encore remontées à leurs meilleurs niveaux, mais, période de vie, d’espoir, de sourire, par la mesure des choses qui peuvent être, et non par la mesure des choses qui sont passées. Le passé est passé, seules restent les leçons données, les coups de marteaux distillés qui ont forgé patiemment le métal dont nous sommes. Je n’aurai jamais cru atteindre un tel sommet de détachement, je n’aurais jamais espéré vivre cette tranquillité qui permet de mieux appréhender les événements, comme si les forces savaient se concentrer vers le seul but qui soit utile, le soutien, la présence fut-elle morale, l’envie surtout d’aller de l’avant, sans passer le temps à mesurer à coup de « si » ce que les choses auraient put être. Autant de coup de scie dans un passé mort, autant de sciure inutile qui ôte des flammes de joie, de la chaleur au feu qui se doit de réchauffer les plus frigorifiés. Il ne sert à rien de perdre de la matière à ressasser le passé, il ne sert à rien à vouloir avancer les yeux braqués dans le rétroviseur, la force des guérisons, celles des proches comme la sienne, passe par le regard qui porte au loin, par la tête qui reste dressée, par l’envie de voguer par-delà l’horizon. Soyons humains, soyons entiers, volontaires, proches, réels et non virtuels, cessons les simagrées inutiles, le rire est le propre de l’homme certes, mais il doit être employé à bon escient, non moqueur, encourageant et non abaisseur. Un rire, un sourire, c’est peu de chose, mais c’est un effet énorme dans une crise de peur, de doute, de renoncement.

Au-delà des peines personnelles et familiales qui étreignent le cœur des survivants, il est bien plus grandes douleurs de par le monde, et même plus proches de nous, dans ces jolis coins bien plus connus pour les vacances, les rires, l’insouciance de l’été, que par les flots d’abimes qui ont dévasté sans vergogne et noyé tant de sacrifices. A ces personne-là, à leurs proches, amis, familles, connaissances, chaine bien plus réelles qu’une litanie de noms accrochés sur une page facebook ou autre netlog quand ce n’est pas msn, à ces gens vrais de la vraie vie, j’envoie mes émotions les plus intenses, mes plus chaleureuses pensées, un témoignage ému qui me ramène aux inondations de 1999 en terres audoises, à celles de 2007 en terres basques, ces deux terroirs chers à mon cœur. L’eau est un fléau quand elle n’est pas signe de vie, les dégâts matériels sont tristes, désolants, mais ils ne sont que matériels, le temps efface ces marques-là, il n’efface pas les disparitions des êtres chers de la même intensité. Gardez espoir malgré toute la désolation de la réalité, forgeons la longue chaine de l’humanité, celle-là seule qui sait déblayer, nettoyer, reconstruire bien au-delà des politiques en mal de voix, la seule voie qui compte, c’est la voix du peuple qui s’unit, s’associe et avance comme un seule homme.

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