Neige

Neige, encore… Depuis décembre, chaque mois a connu son jour blanc. Chaque fois, surprise, stupéfaction, glissade, verglas, panique générale devant les flocons, chaque fois nouvelle question sur le réchauffement climatique, sur le dérèglement climatique, nouvelle inquiétude à rouler, à savoir si la route du matin sera praticable. Epoque bénie de l’assistanat, tout est du rien n’est à faire, surtout pas comme le faisait nos anciens pourtant, déneiger son pas de portes, son bout de trottoir par civisme et civilité, par implication devant ce qui n’est au fond que goutte d’eau, certes gelée, tombant dans la vase de notre égoïsme. Alors, oui, on peut s’enorgueillir de passer le week-end à Marrakech, ou bien encore de dévaler les pistes les plus courues de la planète, cela-dit, les plus belles sont dans les Pyrénées, soit dit en passant, mais oser poser un pneu de sa citadine sur une route citadine devient un exploit digne de passer à Ushuaia, nettoyer ses abords relèvent d’un effort bien plus surhumain. Conscience de l’homme ? Doit-on attendre toujours l’autre ? Quand comprendra-t-on qu’agir est d’abord chose personnelle, non pas surhumaine mais juste humaine, citoyenne, anonyme, lambda, que chaque petit effort associé au petit effort des autres devient la grande chaine qui très vite contient les ravages et établit la suprématie de l’acte au service de l’humanité.



Etre humain n’est pas chose impossible pour l’être humain. Il suffit de vouloir. Ce n’est pas prendre un stylo, faire un chèque, un don, les fesses bien calées dans le fauteuil confortable de son salon, être humain c’est savoir affronter la réalité, les autres dans leurs malheurs, leurs souffrances, c’est aussi savoir offrir son oreille tout autant, sinon bien plus que sa langue, savoir écouter, savoir donner de son temps, de sa présence, plutôt que ne s’intéresser aux autres que parce qu’on se sent seul et démuni. Chaque jour, la vie donne des leçons, des exemples, des événements personnels ou plus lointains qui émeuvent, font réfléchir, qu’on apprend à accepter, pour vivre avec, préparer les lendemains et grandir aux contacts de ces douleurs-là. Chaque jour, on courbe l’échine ou pas, devant ces accrocs, ces pertes, ces départs, ces combats, menés, perdus ou gagnés, chaque jour, on pousse un peu plus loin les limites de nos vies trop confortables. Que cela servent à éveiller nos sens, que cela donne du sens à nos vies, sont des choses établies, mais cela ne se fait pas toujours sans mal, et parfois, une main tendue, une épaule amie, une oreille ouverte est un précieux soutien, bien plus qu’il n’y parait. Pourtant, il est des heures ou les brumes s’épaississent, l’obscurité devient la nuit, les ténèbres brouillent la vue et le raisonnement, le soutien alors d’une flamme amie devient presque nécessaire. Dans ces heures-là, les portes qui se servent, tout autant que celles qui ne s’ouvrent pas, scellent le destin de relations devenues par ce fait bien fragilisées. Non pas par la première défaillance, chacun a droit à l’erreur, mais à trop répéter les rejets, la greffe ne prend plus, les liens se délient, les pensées plongent dans les oubliettes profondes où même l’oubli a du mal à trouver sa lumière. Ce sont pourtant des étapes clés de la vie, car elles permettent de se rendre compte de ce qui est vraiment tout comme de ce qui n’est plus, elles aident aussi à larguer les amarres des points d’attache du passé.

Il n’y a pas de spleen dans cela, du moins pas dans ma vision des choses, il est des étapes essentielles de nos vies où il convient de vider son sac, de s’alléger de trop de lest qui ralentissent l’évolution. Certes, il y a rupture, mais la vie n’est pas une collection de timbre ou chaque belle image a sa place bien définie, la vie est ce qu’on en fait, la vie est devant nous, pas derrière, et pour pouvoir embrasser le monde, il faut avoir les bras vide, le cœur libre, détaché du passé, nettoyé, ouvert et prêt à offrir, il faut être soi, nu de toutes vieilles guenilles, libre dans sa tête, sa vie, débarrassé du faux rétroviseur qui bloque la vue en imposant un retour incessant vers un chemin déjà parcouru.



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