Parenthèse

Parenthèse, voyage au court cours qui met la vie entre parenthèses, isolement qu’on pourrait qualifier de salutaire, surtout dans son étymologie, cette mise en retrait des affaires courantes fut l’occasion de prendre du recul, de mesurer bien des choses et d’en voir bien d’autres. Non ce n’est pas un arrêt à la première gare, un banc où s’asseoir, un livre à prendre et à feuilleter en regardant passer le monde, non, ce fut du repos forcé, plutôt des états de somnolences qui ne reposent en rien, juste parce que le corps lutte et que chacun sait qu’une dure lutte empêche de trouver le sommeil, le vrai, le récupérateur. Ensuite parce qu’il a fait beau, visiblement très chaud pour l’avoir suivi sur le cadran de la station de météo, même si la double polaire et le chèche ne m’ont guère quittés, dommage, des beaux jours à ne pas profiter, à ne pas marcher…. C’est ainsi. De quoi prendre en grippe tout cela, c’est clair. C’est quand même bizarre la grippe, parce que chacun croit la connaitre et qu’au final beaucoup la confonde avec le rhume, le refroidissement, le coup de froid, de façon quasi systématique d’ailleurs, ceux qui ne l’ont pas eu. Elle est arrivée sournoise, par une fin de semaine où les sacs étaient prêts pour partir en week-end montagne et raquettes, de ces échappées dont le corps et le cerveau rêvent de concert, l’un pour se fortifier l’autre pour se vider, premier trimestre d’une année attaqué tellement vite que les jours défilent dans un chapelet inexorable et rapide. Au début, ce n’est rien, mal de tête, un peu de fébrilité, de quoi mettre sur le compte d’une fatigue accumulée par un manque de temps à poser des jours de repos, par des enchainements de courtes nuits et de jours longs, par des triturations de l’esprit pour bien des données métaphysiques qui régissent nos vies d’occidentaux en quête perpétuelle sans savoir ce qu’il faut réellement quêter. Et comme c’est sournois, prenant, usant, alors voici les produits de bases, aspirine et grog, miel et tisane, pastille pour la gorge qui brûle fortement déjà, avec l’espoir que samedi à l’heure où le réveil sonnera ces cinq heures, ces symptômes-là seront partis vers d’autres cieux.

Hélas, non. Plus fort, plus douloureux, plus puissant, de quoi se rendre chez l’apothicaire, avouez que ça sonne mieux que pharmacien tout de même, et remplir son cabas de produits si efficaces contre tout autre chose que cette fichue grippe pas encore déclarée à l’état civil. Deux jours ainsi, deux jours où la température dépassa les quarante degrés, non point dehors, deux jours à se trainer bien à l’abri des murs, canapé et lit pour seuls arrimages, somnolence et fuite du temps pour seules envies. Puis vint le lundi, le jour où le cabinet de l’homme de serment est ouvert, vaste salle d’attente en manque de place, sorte de boudoir pour concours de toux et de tout, une après-midi à relire la collection complète des vieux magazines rappelant les évènements vécus dans l’actualité depuis le début de l’année si ce n’est l’autre. Verdict : Grippe vainqueur, et comme elle sait être caméléon et s’adapter aux saisons, aux années, changer de tons, changer de mode, cette année c’est le modèle « garnissage de poumons en triple épaisseur et sur toute leur hauteur ». Deux pathologies, double approche, double combat. Bon, celui de la grippe est viral. Trois jours de fièvre, ce qui secoue l’organisme, le fatigue et le courbature, mais après, après le décontracter, l’alimenter et le rééquilibrer il n’y a rien d’autre à faire. Côté bronches, là, par contre, le combat est plus long, tout en devant être choc, il s’agit de tuer l’infection dans l’œuf, de nettoyer ces alvéoles jamais goudronnées, si ce n’est par contact trop rapproché, combat insidieux, dur et difficile, c’est que c’est compliqué tout de même un poumon. Imaginer un long couloir plein de petits recoins à nettoyer, à lustrer presque mais surtout, tous ces gravats à remonter, dans un mode de fonctionnement soit disant civilisé qui nous a patiemment appris à ne pas cracher. C’est long, et celui qui dit que plus c’est long, plus c’est bon, doit certainement parler d’autres choses….. Repos, soins, parenthèse.

C’est bien une parenthèse, lorsqu’on décide de l’ouvrir soi, parce que le cheminement est autre, l’envie est là de se mettre en parenthèse, de s’isoler et de couper d’un quotidien. Par contre, un parenthèse telle, c’est une trappe qui s’ouvre sous vos pas, un puits sans lumière dans lequel on disparait, un moment sombre avec une toute petite ouverture de lumière sur le monde et dans cette ouverture de lumière, une lumière claire, pure mais trop vide. C’est terrible combien ces virus modernes détruisent tout, isolent de tout. Peut-être sont-ils transmissibles par écrits ? En attendant, du fond de ma geôle sombre je n’ai vu que très peu de lumière, le repli sur soi pour occuper moins d’espace, le côté invisible qu’on prend lorsqu’on n’a rien à offrir, réalité d’un monde attiré par ce qui brille. Ces dernières heures, où le corps s’apaise, libère l’esprit et l’âme, ouvre les yeux sur la réalité. Des derniers liens se détachent, faut-il mourir pour exister ? A chaque temps, il y a un avant et un après. A chaque pause, il y a un silence. A chaque reprise il y a des résolutions. On ne sort jamais indemne d’une mise en parenthèse, mais on en sort toujours plus fort, ça, c’est bien vrai.

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