bas les masques

La grippe. La tuile. Loin d’être une maladie bénigne, la grippe n’est pas un simple rhume. Cette année elle s’accompagne d’une bronchite sévère, rendant difficile jusqu’à la respiration et très longue à évacuer. Arrêt. Huit jours, de repos sans se reposer, juste patienter, dormir d’un sommeil qui n’est pas récupérateur. Huit jours chez soi, l’occasion de mesurer combien ce chez moi est vide, vide de sens, vide de gens, vide de vie. Le portable ne sonne plus, tant mieux, je ne peux pas parler, des quintes de toux, la voix cassée, on va oublier le mode oral, lui préférer le mode écrit. Ecriture ? Non, je n’en ai pas envie, pas plus que d’envoyer des sms, cela dit, je n’ai pas l’occasion de répondre, personne n’appelle, personne n’écrit, personne ne vient. Solitude. C’est difficile au final d’être coupé de la vie, c’est pas facile de se retrouver seul à plat, sans énergie. C’est ainsi. C’est aussi l’occasion de mesurer la qualité des relations, les promesses de visites dont on se demande comment faire, trois le même jour, bon, ok, tant mieux, puis au final…personne, parce que ceci, parce que cela, parce que c’est comme ça. Adieu. Triste réalité, ou absurdité d’un monde virtuel ? Peu importe, juste une prise de conscience, celle d’être en vie, mais seul, celle de n’être pas fait pour cette vie-là, voilà. Dur mais réel. Derrière la façade du clown il y a l’homme, ce personnage à la fois trop ceci pour les uns tout en étant pas assez cela pour les autres, c’est ainsi. Derrière ce clown, il y a le côté pitoyable d’un cirque trop vide de vérité, trop plein de mensonges, fausses vérités et fausses compagnies, c’est ainsi. Notre monde est peuplé de noms dans des répertoires, de numéros qu’on appelle parce que ceci, parce que cela, nous ne sommes plus que des numéros de portables, des adresses de messagerie, des comptes facebook, des codes binaires dans la mémoire d’un grand ordinateur. Fausse route. Le soleil se couche comme il s’est levé, juste de l’autre côté du paysage. Tant qu’on donne, tant qu’on fait rire, on existe, et puis le rideau tombe, le clown est malade, il y a trop de détresse, trop de tristesse dans ce monde pour ne pas vouloir rire, auprès d’un autre clown, auprès d’un autre numéro, auprès d’un autre…. Certes, les rires pourraient devenir des ires, mais à quoi bon ? Les colères ne changent rien aux causes, pas plus qu’aux conséquences, non, juste ouvrir les yeux et regarder l’horizon, voir la terre s’arrondir tout comme un ventre qui ne s’est pas arrondi, oublier ce qui ne fut pas pour vivre ce qui est. Ce soir le chapiteau est vide, sans vie, il est tout rapiécé, tout comme le clown triste, tout comme l’être sous le maquillage, on avance toujours mieux sans fard. Oubliées les fausses promesses, les rendez-vous ratés, oubliée cette vie de spectacle, ce mauvais rôle d’amuseur privé, d’éponge à sanglots, de psy de pacotille, oubliés tout cela, demain le clown ne sera plus là, le cirque déménage, se démonte, se range dans des malles, un grand coup d’éponge sur le maquillage, un grand coup de blanc sur les numéros d’adresses, exit cette vie, il aura fallu du temps pour comprendre l’inutilité d’un chemin parcouru à aider, à être présent, à exister par les autres, plus que par soi. Soit. Le rideau tombe, non pas qu’il se referme, non, il tombe à terre. Lourd, il s’effondre dans la poussière. Celles des fausses amitiés, des fausses relations, celles des promesses, ces fameuses promesses qui rendent les fous joyeux. Ce soir je ne suis plus fou, mon entonnoir est à terre, le bouffon est parti, place à ….rien.

Il n’y a pas de vide, le vide, c’est quand il manque quelque chose, quelqu’un, là, c’est du vide qui manque et qui laisse sa place au vide. Allez comprendre. Exit. Oust ! Dehors ! Il n’y rien à redire. Merci la grippe d’avoir permis cette pause, merci cette pause d’avoir ouvert les yeux, comprendre au fond ce qui est le fond des choses, balayer la poussière de la superficialité, ouvrir le coffre dans lequel le masque tombe, en mode suppression. Un masque. Une tombe, celle d’une existence, pas celle d’une vie, j’ai déjà joué celle-ci. Le cirque est démonté, la place retrouve son visage d’avant, ainsi va le temps, il parait que le spectacle continu.

Aucun commentaire: