à livre ouvert

A livre ouvert, à livre au vert, à lire au vert, une mise au vert nécessaire, une envie de partage, celle toute simple entre cet objet d’écritures ainsi livrées et l’ivresse des écritures en neurones ainsi occupées. Saine occupation me direz-vous, je dirais plutôt scène occupation, le décor importe peu quoiqu’il importe bien plus qu’on ne croit, c’est un choix qui même s’il n’en a pas l’air, apportera la quiétude et le bien-être qu’il sied à l’exercice, comme quoi, lire c’est faire de l’exercice, intéressant, non ? La mise en scène se dessine lentement mais surement, d’un trait à peine assuré, le crayon voltige sur la feuille blanche, le tableau se construit, similitude avec l’autre, celui qui des mots a coloré sa page blanche et construit son histoire. Parallèle. Lignes fuyantes en perspectives, les couleurs s’estompent dans l’arrière plan, l’actrice entre en scène, prend la pose, sa pose, s’apaise et d’un geste à peine assuré saisit le recueil, va-t-elle déclamer ? Non, bien qu’elle aurait pu être une lectrice publique, cette fois-ci, c’est pour elle qu’elle va parcourir les codes secrets, ces lettres qui s’enchainent aux lettres, ces mots à peine composés qui se mettent à composer des phrases, puis les phrases s’ajoutent et le paragraphe se construit, se clôt, se meurt en un point afin de laisser place à un successeur, toujours guilleret au démarrage, enjoué d’avoir à lui la pleine page, avant de s’achever sur un point, un autre point, et même parfois des points de suspensions, histoire de ménager le suspens ou mieux encore, de laisser la place à l’imagination, celle qui naquit au gré des mots, voyagea au gré des flots de textes et trouve ainsi avant le saut de ligne, l’envol vers un horizon aux couleurs très personnelles. Lecture, écriture, l’un ne va pas sans l’autre, pour lire il faut avoir des écrits, pour écrire, il faut avoir envie de lire, de dire aussi, tout cela est bien vivant. Même la biographie la plus ancienne respire le vivant, seul le personnage n’est plus, du moins dans sa vie de chair et d’os, mais il reste présent par l’esprit, par les mots, par l’histoire racontée de sa vie.

Le cadre est tracé, le décor planté, peu importe le siège, qu’il soit banc de pierre ou bien pierre posée au sol, qu’il soit carré d’herbe ou bien pliant de camping, c’est celui-ci qu’elle aura choisit, c’est ainsi qu’elle aura voulu lire, c’est ici qu’elle lit. Du livre au lit, il y a des modes de conjugaisons, des lieux conjugaux, des sauts de sens dans le grand dictionnaire d’une langue belle et riche, peuplée de mots qui se travestissent de sens au gré des encriers. Peu importe la grève, sable doré d’un bord d’océan, étape de relâche dans les quotidiennes activités, peu importe la rivière, le lac, ou la prairie, peut importe le décor, c’est juste ici et aujourd’hui. Lire est une occupation à plein temps, d’abord parce que le livre contient tout un tas de temps que le présent gomme sans arrêt des nos discours, parce que le plaisir de s’abandonner à l’écriture n’est complet que lorsqu’il est vécu à temps plein, le temps d’une pause, quelques instants plus ou moins longs, une communion entre l’auteur et le lecteur, un dessin à desseins, une passation de pouvoir par le livre, il n’y a rien de maléfique que d’être soudain envouté, de s’abandonner soumis à l’hypnose des mots pour se réveiller quelques pages plus loin. Quelques pages plus loin, c’est déjà un rendez-vous à plus tard, tout comme cet objet de carton et de papier, selon les adeptes, il finira sur les étagères d’un cimetière de pensées, coincé entre des congénères d’autres grammages, d’autres ramages, d’autres rivages, cimetière ? Pas tout à fait, il en est qui ne sont qu’une sorte de purgatoire dont parfois ils ressortent pour d’autres plaisirs, le plaisir d’être redécouvert, dans ce cas, ils excellent à délivrer d’autres sens, d’autres messages, passés inaperçus en première lecture, plaisir d’être offert, le temps d’une lecture chaudement recommandée, le temps d’un cadeau, parce qu’on n’offre jamais plus beau cadeau qu’un cadeau auquel on tient. Certains ont connu l’enfer, flammes assassines, crépitement de douleur, autodafés qui ne peuvent être qu’imbéciles, la culture se meurt dès qu’on lui ôte une plume, l’Histoire est pleine hélas de ces vols d’histoires. Mais par-dessus tout cela, au-delà de l’enfer, au-delà du purgatoire, au-delà de tout est le paradis. Celui de la lecture, celui de l’apprentissage, d’abord lettre à lettre à former des syllabes, puis syllabe à syllabe à former des mots, et les mots dansent en phrases et les phrases en textes et voilà que de ces textes nait l’apprentissage de ce noble art qu’est l’art d’apprendre. Oui, apprendre est un art, un art à prendre, en passage léger, tel le pinceau à peine dilué, en prenant plus de temps, en des traits continus, des couleurs plus denses, voilà que l’envie danse et l’évidence nait. Mais je me suis trop approché, plan trop serré, retour en plan large, laissons-la à ses lectures, dans ce décor si bien planté, oublions sur la toile ces points à peine esquissés, fondue enchainée en tons décalés, l’œil parcourt la toile, la toile ravit l’œil, plaisir des sens, à lire au vert c’est une communion en multi dimensions, un livre ouvert qui semble tout de blanc vêtu, on ne lit pas de loin, on ne lit pas par-dessus l’épaule, on lit, on vit sa lecture, une pause mais pas tant que cela…..

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