Vague à l'âme


Océan infini, plaisirs sans cesse renouvelés, capture d'énergie, éveil des sens. Sensibilité exacerbée par les périodes vécues, l'empilage des couches qui constituent le millefeuille de notre vie, avec des goûts successifs, parfois très doux, parfois trop sucrés, parfois amer pour ne pas parler de fiel, mais c'est ainsi, car comme dans l'enfance, il est nécessaire d'expérimenter tous les goûts pour se forger le palais. Question forge, ça va, j'ai été servi, histoires métalliques, tantôt au feu, tantôt à l'eau, cuissons et trempes successives, ainsi va la matière, ainsi va la vie, on avance, on grandit, on tire les leçons des coups reçus, des cuissons comme des refroidissements, pour arriver en bel alchimiste à trouver le juste degré, celui qui cuit sans dessécher, celui qui permet de garder le juste moelleux à cœur, sous une croute bien dorée et croustillante, la plus appétissante possible. Chat échaudé craint l'eau froide, c'est bien connu, et on va pas s'appesantir sur les douches froides du destin, surtout quand elles furent semblables à des pluies acides. Victime? Non, on n'est jamais victime de sa vie, on est le pilote, l'animateur, le directeur. Personne d'autre ne mène la danse de sa propre vie que soi-même. On rencontre, on construit, on tombe de l'arbre, on fait chuter l'autre ou l'autre vous fait chuter, parfois on descend proprement en parfait accord, et on poursuit chacun sa route sans avoir tout détruit, juste réalisé que les envies divergent et que sans envie la vie n'est plus qu'un champagne sans bulle, un vin sans saveur qui n'est pas tout à fait du vin, plus tout à fait du champagne, entre deux mondes, une vie, le cul entre deux chaises.

Jusqu'au bout. Faut-il aller au pied du mur pour s'apercevoir de la muraille? Faut-il attendre de s'y fracasser pour réaliser qu'il n'y a pas d'échelle, pas d'autres issues et en rebondir complétement démolis? Au contraire, faut-il prendre les murettes pour des murailles infranchissables? Faut-il s'arrêter face aux pierres qui viennent parfois semer la route? Je ne crois pas, il faut au contraire apprendre à les contourner, les éviter lorsque cela est possible, les ôter du chemin pour que les suivants puissent avancer sans tomber dans les mêmes pièges, sans se heurter aux mêmes difficultés que celle qui nous coûtent. L'évolution de l'espèce passe par les leçons apprises par les générations précédentes, par les épisodes précédents. Il y a aussi une part de plaisir à aider les autres à déjouer les pièges, à les aider à ouvrir les yeux trop souvent gonflés d'optimisme. Aider, épauler, discuter, montrer plutôt que faire à la place. On apprend par l'exemple, on retient par la pratique. Les longues théories ne peuvent imprimer nos cerveaux sans l'image et l'expérience du vécu. Faire pour apprendre, tester, se tester, s'évaluer dans se trouver, se retrouver, débarrasser le soi du paraître ou du vouloir paraître pour que le soi brille à la pleine lumière. Être soi, enfin soi. Se révéler tel qu'on est, le rideau est tombé, le masque avec, l'acteur est mort, place à l'homme, sans artifice, sans brillant, d'abord pour soi, car il est si bon d'être soi, ensuite pour l'autre, cet autre qui saura apprécier l'homme a sa juste valeur. On ne peut pas plaire à tout le monde, on peut décevoir, on peut être déçu, mais au-delà des déceptions, l'essentiel n'est-il pas l'unique? Dans notre société de consommation, on a oublié là aussi l'essentiel, se satisfaire d'un plutôt que de chercher la multitude des contacts, des amitiés. Une seule est nécessaire et apparaît d'elle-même dans la main tendue lorsque la flamme vacille, beaucoup d'autres se contentent de briller lorsque le feu de joie est allumé, prête à cueillir une part de votre étincelle sans jamais songer à la restituer un jour plus sombre. Un seul être pourtant éclaire la route, quelle que soit la distance qui sépare momentanément, la lueur du phare reste la plus douce, la plus forte, la plus enrichissante, elle guide, et quelque part renforce l'intensité des retrouvailles. A quoi bon chercher ailleurs d'autres feux follets? Ces flammes qui dansent et brillent trop fort pour en être honnête, au point d'y cuire et de n'en retirer qu'une cuisante défaite.
Pluie, elle tombe fort, régulière, droite, comme si les gouttes d'eau étaient pressées de pénétrer le sol, d'y faire éclore la vie, de redonner de la verdure au paysages trop jaunis par les écrasantes chaleurs des jours précédents. La tête à l'abri, allons respirer les bonnes odeurs des plantes et du sol que la chaude humidité distille et rend plus perceptible. La plage est déserte, le sable éteint, pourtant l'océan joue sa plus belle partition, celle des rouleaux d'écumes tranchant sur un ciel gris et bas, celle de la vie gagnant le combat contre la grisaille, leçon de choses pour nous montrer qu'il n'y a que succès dans la combativité, que la vie gagne toujours. Elle gronde, elle devient colère, avant de s'apaiser dans les flots, elle s'y recharge et s'apprête à revivre, ici ou là, forte, intense, quel que soit le temps, quel que soit le vécu, ce qui compte est devant, pas derrière, loin s'en faut. Moment de réflexion ou de méditation face aux éléments, moments plaisirs, comme toujours. Où pourrais-je être mieux pour me poser et contempler la vie, loin des tourbillons de folies qui seront hélas bien assez tôt de retour, lorsque viendra le temps de rentrer. Rentrer? Oui, il le faudra bien, mais ce n'est que pour mieux revenir !

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