L’entre deux, cette période qui n’est
ni plus l’une saison, ni tout à fait sa suivante, une période inévitable et
nécessaire, on ne peut pas changer de saison juste en un changement de date sur
le calendrier. La période est propice aux changements, aux rangements à tous
ces coups de balais qui viennent mettre de l’ordre parmi les vies. C’est un peu
le défilé de la vie qui apparait lors de ces étapes, un peu comme des bibelots
endormis sur une étagère que l’on sort de leur torpeur le temps de les
épousseter au risque de ne jamais les remettre. « Hier s’est enfui, demain
viendra bien assez tôt mais aurais-je le temps ? »
Le ciel prolonge ses lumières même si
elles n’ont plus tout à fait les mêmes reflets et surtout, les mêmes chaleurs,
il faut savoir s’en contenter, profiter de ces instants de répit pour vivre à
l’extérieur, le coin du feu viendra bien assez tôt et avec lui la nonchalance
des corps refroidis. Serait-ce l’habitude ou bien sa cousine lassitude qui
engendre le manque d’entrain, l’envie de rester dans cette période de l’année
où le vent n’est pas assez froid pour nous soutirer à notre mère nature ?
S’asseoir, se prélasser, rêvasser, que ce soit au bord d’une plage à contempler
les rouleaux d’un océan fougueux, ou bien encore dans la prairie d’un belvédère
pyrénéen à écouter les sonnailles des troupeaux et à regarder le vol calme d’un
rapace, moments uniques que l’on cueille à l’essence même de la vie. « Aujourd’hui,
je suis. »
Les dates ont ceci de
particulier : elles réveillent toujours leurs passés, pas si simple,
parfois décomposés, ces passés passent et repassent dans les brumes d’un
cerveau en perpétuelle agitation. Les âges de l’Homme sont ainsi, ils
grandissent en insouciance et apprentissage, ils deviennent sérieux sans savoir
forcément être adultes, puis ils s’épuisent en inquiétudes et autres
questionnements. « Que sera demain ? Où s’arrêtera mon train ?
Encore combien de temps aurais-je la force ? » Il y a tellement de
monde descendu de ce fichu train en tant de gares improbables qu’on ne sait plus où donner de la tête et
pour ne pas trop se poser de question, on court, on accumule mille activités,
mille chemins à parcourir, sans jamais totalement se reposer. Et quand bien
même l’envie de repos serait-elle présente, une chose en appelle une autre et
l’on repart de plus belle dans cette course sans fin. « Sans fin ?
Rien n’est moins sûr. »
Et si demain tout s’arrêtait ? Et
si demain tout disparaissait ? Une feuille blanche ou un carnet noir,
l’automne sonnera bientôt le glas des feuilles tout comme il sonnera le
carillon des douces flambées et des premiers flocons. Il n’y a pas
vraiment de fin mais plutôt plusieurs débuts. Nous ne naissons pas dans la
postérité, nous ne serons jamais que des oiseaux de passage, passagers d’un
temps, d’une époque, tissant des liens et inscrivant quelques mots d’une
histoire qui ne nous appartient pas et au fond, que ces mots demeurent ou
s’effacent, l’histoire elle restera à peu près inchangée. Ce ne sont pas les
mots qui font l’histoire, ils ne sont qu’un habillage, quelques feuilles
parsemées autour des branchages entremêlés par les vies, le vent de l’automne
finira par souffler assez fort pour que les feuilles disparaissent et révèlent
la majesté de l’arbre. Ainsi vont les cycles de la vie et ceux des saisons, il
n’est nulle raison de s’en inquiéter, il faut juste savourer le temps
présent.
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