Nuit noire

La nuit est noire, immobile et silencieuse, seul le tic-tac d’un réveil s’en vient la tirer de son sommeil. Au fond, la nuit dort-elle ? Je ne sais pas, mais moi je ne dors pas sans pour autant qu’elle ne soit blanche cette nuit-là. Le sommeil est venu d’un coup puis d’un coup il est reparti. Trop de choses, trop de fantômes, trop d’activités, trop, c’est trop. Tic-tac. Agaçant. Se lever, boire un verre ? Non. Sortir prendre l’air ? Non plus. Un bloc, un crayon, des mots qui tombent à l’unisson, au moins, ces mots-là ne tombent pas de sommeil… Je me fous de l’heure qui passe, elle peut bien secouer ses secondes à coup de tic et de tac, mes yeux commandent et mes yeux n’ont pas sommeil. Ils n’ont pas envie de lire, pas plus que de regarder les photos où les dessins, encore moins les tracés et les reliefs sur la carte, non, mes yeux n’ont pas sommeil pas plus qu’ils n’ont envie d’autres choses.

J’écris.
Assis nu dans mon lit, je prends la pose, je pense à autre chose, je trace des mots à la hâte, comme toujours, des mots que je range dans des phrases toutes simples parce que c’est quand même plus joli, des mots qui s’empilent et glissent sur le papier. Bizarrement, c’est un papier couché, voilà sûrement pourquoi j’ai besoin de m’allonger… sourire. J’ai soif, je tends la main vers la bouteille, elle sonne creux, vide et désemparée, elle tombe et résonne sur le plancher, sa façon d’abdiquer. Moi je n’abdiquerai pas, personne ne me fera abdiquer, ni la vie, ni la mort, ni le sommeil, ni l’insomnie, ni la faim, ni la soif, ah…la soif ! Buvons ! Buvons à la santé de ceux qui dorment, buvons à la joie, au bonheur, aux parfums de bonheurs et il est déjà de bonne heure… Faut vraiment que je me lève pour aller chercher une bouteille, fait trop soif par ici. Quand on a soif, on ne rêve pas de cocktail, ni de verre compliqué, juste d’une bouteille à téter au goulot, l’instinct primal, le besoin primaire, l’instant hors du temps, la soif donne soif bien plus que la faim donne faim. Si je pouvais avoir sommeil. Le carrelage est froid, j’ai dû trouer mes pantoufles, à moins que je ne les ai pas mises, c’est bizarre, il me semblait bien qu’il y avait un interrupteur ici, il a dû partir se coucher. Ah, le placard, l’étagère des bouteilles à moitié vide et donc à moitié pleine, ma main caresse l’obscurité à la recherche d’un dernier coup à boire… Fait soif ! Enfin, te voilà….

Je bois.
Debout contre le plan de travail, je bois à grosses gorgées ce liquide frais et bienfaisant. Qu’il est bon de boire et d’oublier la soif dans l’acte. Je bois pour oublier, pochtronne attitude, je sais. Cela dit, se saouler à l’eau de source, c’est long et ça fait plutôt pisser, seul point commun avec les pochtrons peuplant les entrées odorantes des parkings publics. Je bois et j’oublie mais je n’oublie pas que je n’ai pas sommeil, malgré le jour qui nait, malgré le jour qui luit, lui, devant moi qui ne suis pas reluisant. Je retourne à ma couche avec ma divine bouteille, j’ai soif jusque dans mon lit et mes nuits restent agitées, je n’aime plus les nuits, je n’aime plus mes rêves qui sans trêves m’amène sur des rivages sans peur, sans couleur où mes fantômes me tendent la main et m’appellent, moi qui reste sourd à leurs appels, oui, mais jusqu’à quand ?

Je fuis.

Allongé dans la nuit je fuis mes fantômes et mon sommeil qui me fuit et me nuit. Merde. Faudrait quand même pas exagérer, il est tard et mon corps réclame sa dose, il n’a plus vingt ans et craque sous les manques répétés de sa drogue préférée : dormir ne peut nuire, bien au contraire, c’est là le premier docteur, même mon réveil le sait, lui qui dort à coup de tic-tac, avant de bruyamment s’exprimer. Ma plume glisse et s’envole emportant de derniers mots, c’était surement des mots d’adieux, tant pis… allons voir si la rose, non…six roses. Buvons.  Avant d’aller dormir. Ou pas.


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