Après les cris

Après les cris, le silence, la stupeur, puis à nouveau les cris, différents, autrement, qui nous ment ? Pourquoi ? Non, ce n’est pas possible. Les pleurs résonnent dans le silence de ces réponses qui ne viendront jamais. Ok, tu es parti, tu as quitté les souffrances pour trouver l’apaisement. De là où tu es, je ne sais pas si tu vois le bon dieu mais dis-lui bien de ma part de se laver les oreilles ou de mieux écouter : lorsque nos prières lui ont demandé de calmer tes souffrance, ce n’est pas à cette issue-là que nous pensions… rigole bien mon grand, tu ne perds rien pour attendre, en attendant, nous, ici, on reste figé, frappé de ce qui nous arrive.


« ça c’est fait » dois-tu te dire, ne me le fais pas, tu nous l’a si souvent dit…. Putain, ça commence à faire du monde là-haut quand même !

 La vie, tu vois, c’est un parcours de montagne, tu nais dans la plaine puis progressivement tu parcours les forêts, tu t’élèves et tu gravis les pentes, la forêt s’éclaircie, les bois se clairseme et tu finis le chemin tout seul vers le sommet, à peine quelques arbres de-ci, de-là… Ces arbres, ce sont les êtres qui peuplent nos vies, oserais-je dire des amis ? Ce mot devient difficile à utiliser, la faute à trop de non-sens sur trop de réseaux non-sociaux sans doute et puis au fond, « ami », ça ne veut rien dire. De toute façon chaque mot a le sens qu’on lui donne. Nous n’étions pas « amis » juste nous étions « nous » je sais, cela n’éclaircie en rien le sens ni le lien, mais on s’en fout, nous, on sait ce que ça veut dire. Alors, ok, te voilà parti faire un tour… Et euh… tu reviens quand ? On se revoit quand ? Te marre pas s’il te plait, je n’avais pas fini de te montrer tout un tas de truc, de bricolage, d’idées, d’endroits, de randonnées, de photos, tiens, justement, sais-tu qu’à Martel il y a un dépôt de train vachement intéressant, avec même une vapeur en état de marche ? Oui, je sais, tu vas me dire son petit nom dans la grande nomenclature des matériels vapeurs SNCF, et puis ça va encore fuser dans la vanne à deux balles et au vingt-huitième degré, n’empêche que là, je ne t’entends plus… Et puis j’ai des tas de trucs à apprendre de toi, parce que justement, des trucs, toi, tu en connais plein. Rassures-toi, je suis toujours aussi nul pour reconnaitre un avion envol si nul que même au sol ben c’est pareil, cela dit, je progresse, je fais la différence entre un Beluga et un ATR, c’est un bon début, non ?


Bon, je ne vais pas te raconter nos vies, tu les connais aussi bien que moi, je ne vais même pas calculer depuis combien de temps on se connait, ce n’est pas le nombre de bougie qui fait le goût du gâteau, enfin, sauf si tu y laisses trop couler la cire dessus… Triste sire je suis. Je ne vais pas non plus raconter tous les irracontables, d’abord, ça ne se fait pas, en plus, personne ne le croira, d’ailleurs, même moi, j’y crois pas, alors, à quoi bon ? Et sinon, toi, ça va ? Bien installé ? Tu vas prendre ton bigo et me dire « Salut Didier, ça va ? » puis me raconter tout ça… Oui je sais, je te chambre, mais merde, ça fait vraiment chier ta blague, même si quelque part, je ne t’en veux pas, ras le bol des souffrances, ras le bol des errances entre deux traitements, non, c’est pas à toi que j’en veux, c’est plutôt à cette sacro-sainte règle qui veut que ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier, une règle à la con qui fait que j’ai plus qu’à attendre bien sagement au fond de la queue, et ça, c’est pas la meilleure. Alors oui mon gars, je pourrais te charger, t’abreuver des « t’aurais pu… » Mais non, ça sert à rien, c’est comme ça, moi tu vois mon grand, ce qui me rassure, c’est que tu as fini de souffrir ici-bas, même si la plus grande de tes souffrances a dû être de laisser tes êtres chers sur le pas de la porte mais de là où tu es, de là où tu seras, tu veilleras sur tout ton petit monde, et de là où ils sont, de là où nous sommes, ce sont tes sourires, tes fines blagues, ta sympathie, ton courage, ta disponibilité, ta gentillesse, ta faconde, ton humanité, tes connaissances que nous retiendrons, que nous évoquerons, que nous partagerons, parce que c’est bien là la seule et unique façon de penser à toi, de se souvenir de toi et de vivre après toi. Pour réussir tout cela, parce que nous avons tous un chemin à faire, toi comme nous, nous comme toi, on va faire un deal : Tu prends soin de toi, nous, nous allons prendre soin de nous mais promis, dès qu’on se retrouve, on reparlera de tout cela….



Adieu mon grand, avec tendresse.        

1 commentaire:

Fabienne a dit…

Le "nous" : l'identité de solides bases de la connaissance mutuelle de deux hommes où le respect, la connivence, l'Amitié, la vraie avec un A majuscule sont remarquables d'éloquence.
La sensibilité de tes mots rend cet hommage bouleversant ; le fort témoignage à ton ami disparu.
Qu'il puisse t'accompagner sur les Chemins de faire ;-)
La pudeur de ces deux être en font de grands messieurs.