Océan.
Le début d’une nouvelle journée. L’air est frais, vivifiant, la plage déserte,
le jour se lève à peine, l’occasion est trop belle pour ne pas profiter de
quelques foulées sur le sable rafraichi. Ces moments sont magiques, ce sont des
pauses dans la vie, dans l’été, dans ces moments trop peuplés parfois. Il
n’aimait pas vraiment cette foule et ses bruits aussi il savourait avec bonheur
de s’être levé tôt pour profiter de cette belle parenthèse. Quelques étoiles
résistaient au jour naissant, les flots s’étiraient lentement, tout juste au
loin l’ombre d’un cargo pour répondre aux appels intermittents des phares
positionnant sur la côte les noms des ports. Ambiance.
Ce
n’était pas une course, juste un peu de sport et tellement de détente à courir
ici. Courir n’est même pas le mot le plus approprié tellement il porte des
notions de vitesse qui ne sont pas de mise, surtout ce matin-ci. Faire de
l’exercice, prendre du bon temps, respirer mais respirer pleinement, se charger
aux énergies océanes, profiter de ces moments entre chiens et loups, loups de
mer sans doute et malheureusement chiens de plage trop souvent détachés…. Le
partage des espaces ne se fait pas sans heurts, la mode est bien trop aux
libertés sans qu’elles trouvent leur place dans l’ensemble des libertés,
« pousse-toi de là que je m’y mette », « vacances, j’oublie
tout…. » Certaines journées sont plus pesantes, mais quel qu’en soit le
poids, peut-on laisser ces ombres noircir le tableau ? Sûrement pas, les
couleurs sont bien trop belles pour les laisser s’estomper au profit d’un
brouillard d’incivisme et d’intolérance. Savoir sortir du cercle, savoir
s’accorder du temps et savoir accorder sa propre fréquence sur celle de notre
planète, là est le plus important. Les couleurs, c’est magique, elles donnent
un sens aux choses, elles se parent de mille teintes selon une palette d’éclats
dont elles seules savent utiliser les vibrations. Il n’y a jamais de
monochromie pas plus que de monotonie, ou bien c’est parce que le focus est
trop poussé, qu’il convient de le refermer, de se reculer, de voir les choses
dans leur globalité, s’élever, sortir du champ, sortir du cadre, quitter le
tableau et voir, apprendre à voir, apprendre à ressentir mais à vraiment
ressentir, non pas le piquant de la situation trop tendue mais son côté
négligeable dans la réalité du moment. La piqûre de l’abeille n’effacera jamais
la douceur du miel, il ne sert à rien de bouder notre plaisir. Le plaisir,
c’est bien cela qu’il vivait en étant ici et maintenant, et bien sûr voir cette
plage vide n’appelait d’aucune manière des souvenirs de plages colorées et
peuplées, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de lien, juste un lieu, un
lieu identique mais aux couleurs différentes. Nous sommes tous différents.
Par
petites foulées le voilà arrivé proche des blockhaus, formes sombres et
massives appelant la mémoire adulte à des images plus tristes, preuve que les
plages peuvent écrire des pages aux tonalités tellement différentes. Les
soldats allemands d’hier ont laissé place à d’autres régiments de touristes en
tenues certes plus légères et bien plus colorées sur la même plage. Souffrances
hier, sourires aujourd’hui, peut-on ne retenir qu’une seule image, qu’une seule
étiquette à accrocher sur ces lieux ? Encore quelques pas et bientôt viendra
le béton de l’ancienne piste, puis le goudron et enfin le pavé du fier bord de
mer. Ici sont tombées de vieilles pierres, ici se sont élevées de modernes
constructions de béton et de verre, d’autres éclats face au même océan, soumis
aux mêmes airs mais au fond, ce qui fait l’identité des lieux, n’est pas tout
simplement ces parts de naturels plus que la bordure d’artificiel ? Il
court, il court et le jour sourd aux appels de la nuit s’ennuie et se lève
prestement. Le soleil d’abord pâle prend bien vite de l’ardeur, il écrase les
ombres et blanchit les façades, réveillant au passage ce bel endormi d’océan
qui proteste en rouleaux continus. Les premiers cafés regarnissent leurs
terrasses de tables et de chaises bien rangés, un chien perdu mais pas vraiment
s’en vient renifler les bordures de trottoir tandis que les pêcheurs sortent du
port. Les odeurs chaudes des viennoiseries et du pain s’en viennent titiller
les narines déjà excitées par l’amertume du café, pile-poil le moment ! Il
en sourit d’aise, s’assied en terrasse pour jouir encore de ce jour qui se lève
puis commande un café. Le journal lui tend les bras, les nouvelles fraichement
imprimées dans la nuit cherchent à prendre un sens dans cet environnement
tellement enivrant. Détachement absolu ou bien manque d’envie de se raccrocher
à tant et tant de chroniques tellement construites à coup d’effets digne d’un
vrai serial thriller de journaliste qu’elles-mêmes ne semblent pas y croire… A
quoi bon s’attarder sur ailleurs dans le monde, il vit ici et aujourd’hui, il
respire ce mélange d’air iodé et de café chaud, il savoure ce bain de matin, et
puis, il se remettra en chemin pour rejoindre son gite, les idées bien propres
et bien fraiches, l’esprit détendu prêt à vivre une belle et nouvelle journée…
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