Je sais où mes cendres descendront

 

 Quel bonheur de retrouver mon territoire préféré. Arriver les mains dans les poches, prendre un bateau sans rien d'autre que soi à gérer, se poser. Enfin. Puis l'envie de marcher. Partir à l'envie plutôt qu'à l'aventure. Un chemin en appelle un autre, je tourne ici plutôt que là, telles sont mes randonnées ici. Respirer, marcher, se poser et contempler. J’ai goûté aux mûres mures tout autant qu’aux silences, autres murmures. Partir par ces sentiers cachés, loin de la foule des touristes, des vélos bruyants et des gens fermés. Désormais on oublie l’humanité et la simplicité d’un bonjour. On roule, on zigzague, on s’approprie tout. Un buisson, un chemin, un autre… Le silence. Enfin le calme et les moments à soi. Respirer, marcher, découvrir d’autres chemins, regarder au loin, être bien, tout simplement. Marcher, c'est aussi vider sa tête, se perdre dans ses pensées. Les trier. Réfléchir. Remettre de l'ordre. Se poser. Respirer. Ce mélange de sel et d'iode, ces odeurs de terre, de roches, d'algues. Les yeux se promènent des vagues d'écume aux rochers découpés, de cette lande reverdie, ces petites fleurs, ces goélands posés avec leurs petits.

 

Qu'il est bon de retrouver son territoire, non pas celui qui vous a vu naitre mais celui où vous voulez finir vos jours et reposer. Je sais désormais où mes cendres descendront. Je connais cet endroit, à l'écart des foules, ce repli de côte où l'océan se bat avec les rochers, où il se fracasse en gerbes d'écumes devenant mille dentelles, où les goélands se posent pour admirer cette force et cette tranquillité. Cet étonnant paradoxe d'un bout de terre perdu dans l'océan, surchargé de monde aux beaux jours retrouvés mais où l'on arrive encore à trouver des havres de paix. Reposer en paix. Dans un monde où le temps semble la denrée la plus précieuse, où nos moyens de communications sont devenus si intrusifs et si exclusifs, qu’il est bon de vivre sans réseau, sans appel, sans rappel de ces futilités du monde. Oublier notre temps pour s’approprier le nôtre, le temps à soi, le temps pour soi. Non ce n’est pas une séance d’une heure, simplement une séance loin des horloges, loin des chronomètres, des agendas trop remplis, des existences abstraites. S’asseoir sur les rochers et écouter les vagues, entendre le cri des oiseaux, sentir le vent nous apporter mille parfums. Mon corps respire, mon cœur se relâche, oui, c’est ici, ici que mes poussières deviendront humides. Peut-être danseront-elles dans les vagues, peut-être iront elles cogner les rocher, peut-être couleront-elles au fond des abimes. En tout cas, elles auront des gerbes d’écumes comme simple floraison, elles se berceront de ces sons uniques, elles retrouveront les chemins de liberté où aujourd’hui je goûte à ma liberté. Liberté d’aller et de venir, de n’être plus prisonnier d’un système en 5G, liberté d’éteindre la machine, d’être là et de respirer.

 

Je sais désormais où mes cendres descendront.

 

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