Une
porte qui s’ouvre, un rayon de soleil, une bouffée de chaleur, est-elle réelle
ou sensation, comment savoir lorsqu’on sort enfin de l’ombre ? Depuis
combien de temps déjà était-il là, depuis combien de temps déjà était-il absent
de là-bas, ce dehors aveuglant et inconnu ? Encore quelques pas dans
l’ombre, encore quelques pas dans cet univers glauque et froid, encore quelques
pas et déjà son cœur s’emballe, il suffoque, il étouffe, la peur, l’envie,
l’attente enfin à son terme, tout se mélange, tout explose en lui. N’y
aurait-il pas plus d’adrénaline dans l’attente que dans la réalisation ? Vaste
sujet dont il n’est plus temps de philosopher, voici le seuil, le soleil
brûlant sur la peau trop pâle d’un séjour trop gris, quelques pas en silence,
une lourde porte qui se referme, il n’y a plus d’autres échappatoires, le voilà
dehors, dehors, au soleil et en vie. Une sortie comme un départ. Paradoxe.
Peut-on parler de nouveau départ lorsque celui-ci est le premier ? Un
premier dont il espère qu’il soit le dernier, un exemplaire unique d’un moment
unique, une course à l’erreur qui se clôt dans la marge rouge et sombre, une
fin qu’il espère sans fin, enfin, voilà le bout, le dehors, celui dont on rêve,
celui dont on crève d’envie avec mille idées en tête, des courses folles, des
bonds de joies, une faim de vivre… Aujourd’hui les jambes sont lourdes, la tête
vide et ses larmes peinent à couler. Personne. La place est déserte. Derrière
lui un mur trop haut et trop gris, une porte épaisse, sale et grise. Devant il y
a la vie, et puis rien. Vide et froid, pas si froid puisque le soleil brille
trop fort, froid d’effroi parce que mis devant le fait accompli, être là,
vivant, dehors et libre n’est rien sans savoir où l’on va.
Mille
fois il a vécu ce jour, mille fois il a imaginé ce jour, mille fois tout s’enchainait
bien, drôle de façon d’exprimer la liberté, faut-il donc des chaines pour se
sentir libre ? Mille fois il a couru sans jamais s’arrêter et voilà que le
jour venu, il trébuche sur ce perron surchauffé, sur ce désert d’humanité, sur
ses poches trop vide et son carnet d’adresse vierge. Partir à gauche plutôt
qu’à droite, partir droit devant, partir, marcher et voir venir, aller vers
l’avenir et ses méandres, voici venu l’heure des choix, voici venu la vie, la vie
et ses choix. Libre arbitre. Partir devant, à gauche ou à droite, mais partir.
Tant d’années passées entre des murs privant de réalité, occupé à vivre
d’autres réalités, des combats, des moments de doutes, des peurs, des sueurs,
des coups, des envies d’abandonner, mais surtout tant d’années formatées à se
faire formater, à subir, à se faire soumettre, tant d’années à rêver pour en
arriver là, dehors, seul et perdu dans la réalité d’un monde sans murs. Le
moment de doute s’estompe, la respiration se calme et la chaleur devient une
agréable sensation de vie. Partir, partir très loin d’ici, se servir de ces
quelques billets pour fuir ce lieu et pourquoi pas regagner sa terre, rejoindre
l’autre rive, celle des belles années, ces années d’avant…
Il
marche, les pas hésitants laissent désormais place à des pas fermes et décidés,
le rythme s’accélère et l’envie d’accélérer encore grandit à chaque enjambées.
Il marche vite, droit devant lui, puis soudain, amusé, il ralentit, au fond,
personne ne l’attend, personne ne le chasse, il est libre, il va comme il veut,
il s’offre le plaisir de vivre chaque seconde dans ses moindres sensations,
l’air chaud glissant dans ses poumons, le sol souple sous ses pas, les
mouvements de son corps, les moindres aspects du paysage, tout est merveilleux.
C’est terrible de songer qu’il faille en être privé pour réaliser combien
toutes ces petites secondes de bonheurs ne
forment qu’un grand bouquet de fleurs offert telle une ode à la vie. A
cette pensée, son corps tressaille et deux gouttes s’en viennent glisser sur
ses joues. Vivre, libre, heureux, profiter du premier des jours du reste de sa
vie, vivre et toujours avancer, oublier, effacer les lignes passées, regarder
devant, apprendre de chaque émotion et s’émouvoir de chaque seconde, s’offrir
le luxe inouï d’être là, vivant, apte à marcher et à jouir du temps présent,
prêt à vivre cela, une dernière fois.
Il
fait si beau aujourd’hui.
1 commentaire:
Les mots et les phrases ont un parfois un avantage : celui de projeter nos représentations et leurs émotions.
Et cette interprétation peut aussi émouvoir.
En ce jour, la météo est splendide
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